Les articles du Dr Emperaire

BOUFFEES DE CHALEUR : ENFIN UN TRAITEMENT NON HORMONAL ?

Les bouffées de chaleur (BF) qui perturbent le quotidien de nombreuses femmes au moment de la ménopause sont liées à la disparition de leur sécrétion ovarienne d’estradiol.

Il est donc logique que la prise d’estradiol demeure le seul traitement réellement efficace pour les atténuer, et le plus souvent les faire disparaître : c’est le traitement hormonal de la ménopause (THM) encore appelé traitement hormonal substitutif (THS).

Si le THM a progressivement été innocenté des conclusions inquiétantes de la calamiteuse étude WHI parue en 2000, la proportion de femmes prenant un THS pour de débarrasser de leurs bouffées de chaleur reste encore très faible. La plupart, en  effet, ne peuvent pas, ou ne souhaitent pas, y avoir recours pour des raisons diverses : 

  • Contre-indications formelles ou relatives : cancers utéro-ovariens ou du sein, pathologies estrogéno-dépendantes, troubles de la coagulation …
  • Le plus souvent, des réticences personnelles : crainte des effets secondaires, crainte têtue que « les hormones donnent le cancer », crainte d’être punie d’une manière ou d’une autre pour avoir osé « aller contre la nature » …

C’est la raison pour laquelle de nombreuses alternatives sont proposées sous forme de compléments alimentaires, dont l’efficacité réelle reste floue ; d’autant qu’en matière de BF l’effet placebo est très élevé : un bon tiers des femmes sous placebo signalent une réduction de la fréquence. De plus, les produits à base de soja doivent être considérés comme de réels perturbateurs endocriniens du fait des effets hormonaux féminisants des isoflavones qu’ils contiennent.

Une place à part concerne les substances neuro-actives visant à agir sur le centre thermorégulateur hypothalamique, dont le dérèglement explique la survenue des BF : clonidine, gabapentine, oxybutynine, ihibiteurs de la recapture de la sérotonine, comme la paroxétine (Deroxat), sont parfois utilisées avec une efficacité généralement modeste. Aucune de ces molécules n’est autorisée en France contre les BF, seule la paroxétine l’est aux USA

Une nouvelle molécule neuro-active vient d’être commercialisée pour le traitement des BF : le fezolinetant (Veoza), à raison d’un comprimé à 45 mg par jour.

La BF est un mécanisme utilisé par le centre thermorégulateur pour dissiper de la chaleur corporelle : la vasodilatation provoquée au niveau de la peau explique la sensation de BF,  ainsi que la sudation et les frissons qui la suivent. Les cellules nerveuses de ce centre sont stimulées par un neuropeptide, la neurokinine B, par l’intermédiaire de son récepteur. L’estradiol bloque ce récepteur, inhibant ainsi l’effet stimulateur de ce neuropeptide sur les neurones du centre thermorégulateur. 

Au moment de la ménopause, la baisse du taux d’estradiol libère les récepteurs de la neurokinine B, permettant ainsi l’apparition des BF. Le fezolinetant possède également un effet de blocage sur ce récepteur, empêchant ce neuropeptide d’agir et de provoquer le déclenchement de BF. 

Les études contre placebo montrent une réduction dans la fréquence des bouffées de chaleur, sensible dès la première semaine et durable à moyen terme ; à la dose de 45 mg par jour, il améliore également la qualité du sommeil (1).

Le fezolinetant, la panacée universelle ?

Veoza a été testé contre placebo, mais pas contre l’estradiol. S’il réduit  (de 2 à 3) le nombre de bouffées de chaleur quotidiennes, il ne les supprime pas toujours, et l’estradiol paraît à priori plus efficace sur ce plan. Par ailleurs, comme tout médicament, le fezolinetant comporte ses propres contre-indications (problèmes hépatiques, maladies estrogéno-dépendantes …) et ses propres effets secondaires (maux de tête, troubles digestifs …).

Enfin, si Veoza est doué d’une certaine efficacité envers les BF, son effet thérapeutique s’arrête là : il n’a aucune action sur les autres symptômes de privation estrogénique de la ménopause, notamment les douleurs articulaires, la sécheresse vaginale ou les sautes d’humeur ; ni sur des dégradations plus silencieuses, comme celle de la masse osseuse.

En pratique, et en l’absence de contre-indications, toute femme ménopausée et importunée exclusivement par des BF est éligible pour tester chez elle l’efficacité et la tolérance du Veoza ; elle pourra toujours s’orienter secondairement vers un THM en cas de résultat insuffisant. 

Par contre chez celles qui présentent des signes plus larges de privation estrogénique, le THS reste à ce jour le traitement de première intention le plus satisfaisant.

1-Kimball A Johnson et Coll. Efficacity and safety of Fazolinetant in moderate to severe vasomotor symptoms associated with menopause: a phase 3 RCT. J Clin Endocrinol Metab 2023; 108(8), 1981-1997.