Les articles du Dr Emperaire

PENSER A EVALUER SA MASSE OSSEUSE !

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La raréfaction de la masse osseuse dans son ensemble est un phénomène physiologique qui ne représente que l’un des aspects du vieillissement normal de l’organisme.

Courbe de la masse osseuse

A partir d’un maximum de capital osseux constitué  entre 20 et 30 ans  chez la femme, la perte progressive de tissu osseux débute à la trentaine ; elle se poursuit progressivement jusqu’à la fin de la vie, selon une courbe variable selon les personnes.

Alors que cette courbe dégressive est régulière chez l’homme, elle montre chez les femmes un décrochage net à l’âge de la ménopause ; après quoi elle continue à décroître avec 10 ans d’avance sur celle de l’homme du même âge (Figure 1). La carence estrogénique accélère en effet l’évolution vers l’ostéoporose. Lorsque la masse osseuse, qui se situe normalement à 25% dans l’adolescence, tombe au-dessous de 11%, il apparait une fragilisation osseuse : celle-ci augmente le risque de tassements vertébraux et de fractures spontanées : d’abord une ostéopénie qui doit donner l’alerte, puis une ostéoporose proprement dite.

Perte osseuse

L’os est un tissu vivant soumis à un remodelage permanent, avec un équilibre entre construction et résorption. La disparition de l’activité stimulatrice de l’estradiol sur la construction perturbe les mécanismes de remodelage osseux en faveur des phénomènes de résorption : ceci explique cette ostéopénie progressive. Elle s’ajoute à d’autres mécanismes favorisant à cet âge la baisse de la construction osseuse.

Cette perte osseuse est majeure au cours des 2 à 3 années qui suivent l’arrêt des menstruations : elle peut atteindre 2 à 3% de la masse osseuse, et se poursuit de manière exponentielle pendant les 10 années suivantes.

Mesure de la masse osseuse

La masse osseuse (g/cm2) se mesure radiologiquement (DensitoMétrie Osseuse, DMO) sur deux sites stratégiques, le rachis lombaire et la hanche. Le résultat est interprété en nombre de déviations standard par rapport à la normale, de deux manières :

  • Le T score par rapport à la DMO de personnes en bonne santé de 25-30 ans ;
  • Le Z score par rapport à la DMO de personnes du même âge que celle qui bénéficie de l’examen ;

Ces scores définissent ainsi (Figure 2):

  • L’os normal, lorsque le T score est  > -1 :
  • L’ostéopénie, lorsque le T score est compris entre  – 1 et – 2,5 : cette masse osseuse réduite reste compatible avec une solidité subnormale de l’os ; elle doit toutefois inciter à la surveillance et surtout à une prévention efficace pour ne pas passer au degré suivant ;
  • L’ostéoporose, lorsque le T score est  > – 2,5 : il s’agit alors d’une véritable maladie osseuse, caractérisée par une faible masse osseuse et une détérioration de la microarchitecture du tissu osseux. Ces modifications entrainent une fragilité osseuse facilitant les fractures traumatiques, secondaires à des chocs ou des chutes : fractures du col du fémur, fractures et tassements vertébraux essentiellement. Cette fragilité peut également provoquer des fractures spontanées, qui se produisent sans choc préalable : ce sont les fractures de fatigue atteignant volontiers les poignets ou les côtes.

Masse osseuse et ménopause

Plus du tiers des femmes ménopausées souffrent de manifestations cliniques de l’ostéoporose. Les fractures de fragilité sont en tête de toutes les pathologies à cet âge, loin devant les affections cardiovasculaires et le cancer du sein : ceci explique aussi que les 4/5 des personnes ostéoporotiques dans notre pays soient des femmes ménopausées.

Cela ne signifie pas que la ménopause provoque l’apparition de l’ostéoporose ; c’est l’arrêt de la sécrétion estrogénique ovarienne qui accélère au moins momentanément le processus physiologique inexorable d’ostéopénie. Les femmes  ostéoporotiques sont à risque de complications parce que leur contenu minéral osseux (CMO) passe au-dessous de la limite tolérable : soit à cause de l’aspect particulier de leur propre courbe d’ostéopénie, soit parce qu’elles ont toujours été, sans le savoir, à

la limite inférieure des valeurs physiologiques. Il existe dans ce sens des facteurs de risque personnels (insuffisance pondérale, ménopause précoce, traitement par les corticoïdes) ou familiaux (fracture de hanche ou du col du fémur chez un parent).

L’importance et la prévalence de l’ostéoporose sont largement sous-estimées dans notre pays, où seulement 15% des femmes concernées sont traitées ; de plus, cette proportion de femmes traitées baisse régulièrement, de 25% entre 2012 et 2015, et encore de 8% entre 2015 et  2016. Cette baisse explique l’augmentation parallèle des fractures du col du fémur à partir de 60 ans ; surtout, un quart des femmes accidentées à partir de 84 ans décèderont au cours l’année suivante.

Il faut souligner aussi que l’existence de bouffées de chaleur est de mauvais pronostic : les femmes qui en sont affectées ont en moyenne une densité minérale osseuse inférieure aux autres. Il faut aussi arrêter de dire que la perte osseuse est un phénomène naturel et que l’ostéoporose est une invention du corps médical allié à de puissants intérêts pharmaceutiques : phénomène naturel certes, lorsque l’espérance de vie était de 60 ans, mais qui devient préoccupant lorsqu’elle dépasse 80 ans. Arrêter aussi de dire que les fractures sont créées par les chutes et non par la fragilité osseuse : la même chute n’a pas les mêmes conséquences selon la solidité de l’os concerné. Ce qui est vrai, par contre, c’est qu’aucun des traitements chimiques proposés pour améliorer la solidité osseuse n’a l’efficacité de l’estradiol : aucun ne possède en effet les mêmes propriétés vis-à-vis de divers composants du tissu osseux. Pour une fois, toutes les études sont d’accord : l’estradiol est le traitement souverain de l’ostéoporose de la femme ménopausée, car non seulement il stoppe la perte osseuse,  mais il permet de reconstruire en partie la masse osseuse perdue.

 

Connaitre sa masse osseuse

Mieux vaut donc connaître son statut osseux au moment d’aborder la transition ménopausique : la courbe de perte osseuse n’est que statistique : ce qui signifie que sur le plan individuel, et même en l’absence de facteur de risque, toute femme est susceptible de parvenir à la ménopause avec une masse osseuse anormalement basse. S’il n’y avait qu’un seul examen à pratiquer au moment de la ménopause, ce serait la DMO.

Le fait que la mesure de la DMO ne soit pas remboursée en l’absence d’au moins un facteur de risque personnel ou familial en dit long sur l’intérêt porté aux femmes ménopausées en termes de prévention : le nombre d’ostéodensitométries, loin d’augmenter comme le supposerait une politique de santé responsable, baisse de 6,4% par an.

Une ostéodensitométrie coûte moins de 40 Euros.