Les articles du Dr Emperaire

CHOISIR SA MENOPAUSE

Il est temps de voir les choses en face : au-delà des adaptations psycho-existentielles posées par la survenue de la ménopause, ou des bouffées de chaleur, le véritable problème posé par cet épisode de la vie de chaque femme est celui de la disparition de ses hormones féminines, les estrogènes ; avec elles s’arrête la protection qu’elles exerçaient par rapport à l’homme sur de nombreuses fonctions et tissus de l’organisme, particulièrement l’os et le système cardiovasculaire : 4 personnes ostéoporotiques sur 5 dans notre pays sont des femmes ménopausées, et plus de la moitié des femmes après  50 ans décéderont de maladies cardiovasculaires.

Nos mères le savaient bien, qui, depuis l’apparition des estrogènes en thérapeutique jusqu’au début des années 2000, poursuivaient pour plus de la moitié d’entre elles un traitement hormonal (THM), qu’elles aient eu des bouffées de chaleur ou non, afin de ralentir cet emballement de leur vieillissement. Puis tout a basculé en 2002, lorsqu’a été publiée la fameuse étude américaine WHI, travail statistique apparemment irréprochable, qui a prétendu que non seulement que le THM n’offrait aucune protection sur le plan vasculaire, mais en plus augmentait le risque de développer un cancer du sein. Du jour au lendemain, et fort logiquement, toutes les femmes ont stoppé leur traitement, que tous les médecins ont cessé de prescrire : qui en effet envisagerait d’échanger des bouffées de chaleur contre un risque accru de cancer du sein ?

Au cours des 15 dernières années, toutefois, de très nombreux travaux ont progressivement établi que les conclusions de cette étude étaient largement erronées. Il est désormais reconnu par toutes les Sociétés médico-scientifiques que, sous réserve de contre-indications, de l’utilisation des bonnes molécules et voies d’administration, et du bon moment pour le débuter, le THM exerce effectivement dans l’organisme féminin un effet protecteur qui va très au-delà de l’os, du cœur et des vaisseaux, jusqu’aux niveaux cognitif et cutané notamment, et ce sans faire courir de risque particulier.

Mais qui le sait ? Dans ce domaine comme dans d’autres, les réhabilitations sont moins médiatisées que les mises en cause. Ni les autorités de santé, toujours frileuses (crainte de nouvelles dépenses ?), ni les experts de ces questions (crainte de conflits d’intérêts ?) ne semblent souhaiter en faire état. Un véritable naufrage sanitaire, aggravé par le désengagement des laboratoires pharmaceutiques dont certaines spécialités deviennent difficiles à se procurer.

Vouloir que l’intervalle entre sa durée de vie et sa durée de vie en bonne santé soit le plus court possible impose à chacun des mesures préventives fortes ; ceci est tout particulièrement vrai pour chaque femme de 50 ans, qui doit au moins évaluer avec son médecin sa propre balance bénéfices/risques d’un THM : il n’existe aucun traitement « naturel » ou chimique qui soit à la fois aussi efficace, aussi sûr et aussi légitime que les estrogènes. Après la pilule, l’avortement et la PMA, les femmes doivent exiger que soit sérieusement pris en compte cet épisode important de leur vie.

Chacune doit désormais savoir qu’elle peut choisir la ménopause qu’elle veut vivre, au lieu de la subir. Lui cacher plus longtemps pourrait s’apparenter à un exemple moderne de violences faites aux femmes.