Dr Jean-Claude EMPERAIRE

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Fertilité : demander un deuxième avis médical ?

 

2ème avis médical infertilitéPour un couple en situation d’infertilité, le plus difficile n’est finalement pas les examens ni les traitements : plus encore que l’attente de la fin de chaque cycle pour savoir si cette fois-ci enfin …, c’est l’installation du doute : sommes nos bien suivis ? L’évaluation de notre problème est-elle juste ? Sommes-nous sur la trajectoire thérapeutique qui nous donne les meilleures chances de succès ?

 

Traitement de l’infertilité : les doutes

Efficacité du traitement

Un des principaux facteurs de doute, c’est le temps qui passe. Mais la nature a ses lois : à 30 ans, les chances de grossesse par cycle chez la femme fertile qui arrête sa pilule et qui devient enceinte spontanément ne dépassent pas 25%. Un traitement efficace chez un couple infertile lui permet d’atteindre les mêmes chances, mais pas plus : que ce soit après une stimulation ovulatoire simple, ou après une insémination, une chance sur quatre alors que tout est contrôlé le mieux possible ; c’est pourquoi ces traitements sont proposés sur un maximum de 6 cycles, au cours desquels les chances de succès n’augmentent pas, mais ne diminuent pas non plus : un certain nombre de femmes ont obtenu leur grossesse au cours du 6° et dernier cycle de traitement, alors qu’elles n’y croyaient plus, et alors même que les cinq cycles infructueux  précédents s’étaient déroulés de la même façon. Par contre, s’il n’existe pas de résultat à la fin du 6° cycle, on peut raisonnablement considérer que le traitement n’est pas efficace, et qu’il faut aller plus loin.

La fécondation in vitro est un cas particulier, qui sort du naturel : mais les taux de succès ne dépassent pas 30 à 40% par tentative, et le nombre de tentatives est limité à quatre.

Le temps qui passe

Les chances naturelles de grossesse, et donc de résultat quel que soit le traitement diminuent avec l’âge : il y a certes de larges variations personnelles, mais on considère que la fertilité commence à décroître à partir de 35 ans et surtout après 38 ans, pour devenir presque nulle à partir de 43 ans : la qualité ovocytaire n’est plus au rendez-vous, et aucun type d’Assistance Médicale à la Procréation n’est susceptible de l’améliorer, donc de faire mieux que la nature.

Au début d’un parcours d’infertilité, personne ne peut dire combien de temps il va durer : le succès peut être rapide, en quelques mois, comme il peut se faire attendre une ou plusieurs années. C’est dire qu’il faut aussi s’armer de patience pour supporter cette durée, ce qui suppose de la confiance : confiance en soi, en son couple, en le spécialiste ou l’équipe à qui on s’est confié. Mais à mesure que les échecs s’enchainent, la question devient de plus en plus lancinante : s’agit-il simplement du fait que la nature n’a pas encore « fait son travail » ? Ou alors que notre prise en charge n’est pas optimale ? Et on constate en effet qu’un certain nombre de couples en échec finissent par changer de spécialiste ou de structure, pour de bonnes ou de mauvaises raisons :

 

Doit-on changer de spécialiste ?

Les bonnes raisons :

La perte de confiance, dont les causes ne manquent pas même dans les centres les mieux gérés : dossier ou examens perdus, propos maladroits, « un interlocuteur différent à chaque rendez-vous », « manque d’écoute », « manque de temps », « attentes interminables » … Il est alors facile de perdre pied et de ne plus savoir où tourner pour retrouver une structure où l’on se sente en confiance.

Les mauvaises raisons :

Quitter une prise en charge en cours et changer pour un spécialiste ou une équipe qui a connu le succès avec une amie ou une connaissance ; tout spécialiste et toute équipe a ses succès et ses échecs ; rien ne dit qu’une autre structure sera plus efficace, à moins de s’être confiés à des médecins n’ayant pas les compétences requises en infertilité.

Une troisième situation est aussi fréquente :

Sans vouloir nécessairement quitter une prise en charge qui garde leur confiance, certains couples ne peuvent s’empêcher de se demander si l’évaluation de leur situation réelle est exacte, et s’il n’y a pas d’alternative au traitement actuellement suivi … Plutôt que de tout quitter sans raisons objectives, solliciter un deuxième avis peut représenter une solution intermédiaire.

 

La responsabilité d’un deuxième avis médical

La responsabilité est lourde pour le médecin qui va donner ce deuxième avis médical sur l’infertilité, d’autant que personne n’est infaillible. Sa mission, « s’il l’accepte », va l’amener à porter un jugement sur les actes ou la stratégie d’un ou de plusieurs de ses collègues : il n’y a là de place ni pour un règlement de compte avec tel  confrère, ni complaisance envers tel autre. Toute l’opération doit rester au service exclusif du couple qui a décidé de se confier ainsi : autant dire que l’opération demande le recul, l’expérience et la mesure nécessaires. Un deuxième avis mal rendu peut être contre-productif et aggraver les difficultés du couple. Un deuxième avis pertinent est susceptible de le remotiver dans la trajectoire thérapeutique qu’il est en train de suivre ; mais parfois, également, il peut pointer vers une direction qui n’avait pas été envisagée, et redonner un nouvel espoir et une nouvelle dynamique.

 

Pour toutes ces raisons, sauf si la perte de confiance est totale, mieux vaut demander un deuxième avis médical, avant de quitter un environnement qui n’a objectivement pas démérité, et risquer de se retrouver dans l’inconnu.

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