Il est beaucoup question depuis quelque temps, et à juste titre, de l’endométriose pelvienne. Mais à lire la plupart des articles grand public, on a l’impression que cette affection, ou son importance, est de découverte récente, et a toujours été largement négligée par les gynécologues.
C’est oublier que l’endométriose est la quotidien des gynécologes depuis les années 70, au moins, et particulièrement de ceux impliqués dans la prise en charge de l’infertilité du couple. Il faut dire qu’à l’époque la caelioscopie faisait partie intégrante du bilan d’infertilité, lorsque l’hystérographie faisait supposer une anomalie des trompes, mais aussi en cas d’infertilité inexpliquée. La caelioscopie permettait de mettre en évidence les lésions d’endométriose, et d’apprécier leur importance ainsi que leur éventuel rapport avec l’infertilité. Pour de bonnes, et surtout de mauvaises raisons, cet examen certes invasif a quasiment disparu du bilan d’infertilité : les couples infertiles par anomalies tubaires ou sans cause apparente ont tendance à être directement dirigés vers la PMA, reléguant ainsi dans l’ancien monde les succès de la chirurgie tubaire et les traitements moins lourds.
Malgré tous les travaux qui lui ont été consacrés depuis 50 ans, on n’en sait pas beaucoup plus aujourd’hui sur cette affection que dans les années 70, tant sur son origine que sur son évolutivité. Les options thérapeutiques elles même restent comparables..
Qu’est-ce que l’endometriose ?
L’endométriose est une affection liée à l’implantation de cellules de la muqueuse utérine (endomètre) en dehors de l’utérus, dans la cavité pelvienne. Toute cette cavité est susceptible d’être intéressée par ces implants ectopiques, aussi bien la paroi pelvienne et son cul de sac vaginal postérieur que son contenu : ovaires, ligaments utéro-sacrés, mais aussi vessie et segment terminal recto-sigmoïdien de l’intestin.
D’où vient l’endometriose ?
Son origine exacte reste débattue, mais deux mécanismes principaux semblent pouvoir l’expliquer :
- L’implantation directe de cellules provenant de l’endomètre : pendant les règles, du sang menstruel reflue aussi dans le pelvis par les trompes, permettant à des cellules de la muqueuse utérine de s’implanter dans la cavité si les conditions environnementales, notamment immunitaires, s’y prêtent ;
- La transformation directe (métaplasie) de cellules de la paroi pelvienne en cellules endométriales sous la pression des mêmes facteurs environnementaux ;
Comment mettre en évidence l’endometriose?
Le seul examen de référence en matière d’endométriose est la caelioscopie, qui permet aussi d’en effectuer le traitement dans la majorité des cas. L’hésitation à mettre en jeu cet examen invasif, parfois pour ne rien découvrir, explique qu’on ait essayé de le remplacer par l’imagerie :
- L’échographie reconnaît bien les lésions ovariennes, mais peut laisser passer des lésions minimes ou profondes ;
- L’IRM permet de mieux soupçonner des lésions minimes ou profondes, mais pas toujours les adhérences dont le rôle en matière d’infertilité est majeur ;
Au total, seule la caelioscopie permet une certitude, et cet examen devrait continuer à être systématiquement pratiqué en cas d’infertilité inexplicable avant d’envisager la PMA.
Comment évolue l’endometriose?
Ces ilôts pelviens de muqueuse utérine ont tendance à évoluer comme l’endomètre lui-même sous l’action proliférative des estrogènes, et à saigner comme l’endomètre au moment des règles : d’où la formation de tous les intermédiaires entre de simples tâches pariétales brunes ou noires et de véritables kystes ovariens contenant un liquide goudron. Ceci explique deux caractéristiques de cette maladie :
- Les douleurs pelviennes de tous types et de toutes intensités, généralement au moment des règles, mais qui peuvent survenir aussi à d’autres moments du cycle si l’endométriose est étendue : l’endométriose doit toujours être envisagée en cas de douleurs pelviennes.
- Le seul traitement efficace, en dehors de la chirurgie, consiste à stopper l’effet estrogénique : soit en supprimant la sécrétion de ces hormone en mettant les ovaires au repos, soit en inhibant l’action des estrogènes directement au niveau de ces cellules ectopiques.
L’endométriose est une affection par ailleurs très difficile à appréhender. Le syndrome douloureux n’est pas toujours en rapport avec l’importance des lésions : des lésions pariétales minimes peuvent être très algiques, alors que certaines endométrioses importantes peuvent rester asymptomatiques et être découvertes à l’occasion d’une autre intervention pelvienne. De même, l’évolution de la maladie reste très imprévisible : certaines endométrioses restent peu évolutives pendant des années, alors que d’autres sont très agressives et ont tendance à récidiver dès le traitement stoppé.
Quelles conséquences sur la fertilité ?
La découverte d’une endométriose pelvienne n’implique pas que celle-ci soit responsable de l’infertilité du couple : de nombreuses femmes porteuses d’une endométriose conçoivent spontanément. Tout dépend en fait de l’importance de celle-ci :
- En cas de lésions profondes ou d’adhérences étendues (Stades III et IV), impliquant notamment les trompes, l’endométriose explique l’infertilité : elle doit être traitée pour elle-même avant d’envisager la cure de l’infertilité, le plus souvent par FIV.
Les kystes endométriosiques ovariens (endométriomes) représentent une situation à part :
-Le traitement chirurgical de ces lésions risque d’être très destructeur de la réserve ovarienne en ovocytes, au point qu’on préfère généralement les laisser en place pour effectuer une FIV, sauf s’ils sont très volumineux ;
-La stimulation ovarienne, qui augmente la sécrétion d’estrogènes, comporte le risque d’aggraver ces lésions. Il est toutefois possible de l’envisager avec prudence en cas de lésions minimes, le monitorage permettant régulièrement de vérifier leur volume ; ce d’autant que la présence d’un endométriome ovarien unilatéral ne semble pas affecter la fertilité ;
- En cas de lésions superficielles ou minimes (Stades I et II), les plus fréquentes, le lien semble plus fragile et passe sans doute par une altération du milieu pelvien : la destruction de ces lésions par caelioscopie peut être suivie d’une grossesse spontanée chez une femme sur cinq. Ce type d’endométriose ne doit être considéré que comme un simple facteur d’hypofertilité et ne dispense pas d’un bilan extensif des autres paramètres de fertilité du couple ; il sera pris en compte au même titre que les autres facteurs éventuels d’hypofertilité, au point que la stratégie thérapeutique puisse parfois les ignorer délibérément.
Au total, seules les endométrioses sévères sont directement responsables de l’infertilité d’un couple. Leur abord thérapeutique doit tenir compte de nombreux facteurs : âge de la femme (d’autant que les traitements médicaux, qui s’étalent souvent sur de nombreux mois, sont contraceptifs), état de sa réserve ovarienne, étendue des lésions … Ceci explique la création de staffs pluridisciplinaires rassemblant chirurgiens et spécialistes de la PMA, afin de déterminer la meilleure stratégie pour chaque couple.
En revanche, la présence de lésions d’endométriose superficielles ou minimes n’est pas un obstacle à la mise en oeuvre prudente des traitements classiques de l’infertilité du couple.