Il s’agit de l’étape la plus frustrante du parcours de fécondation in vitro (FIV) : pourquoi tous les embryons que l’on transfère, qualifiés par l’embryologiste de « beaux », voire « magnifiques » ou « top embryons », n’arrivent pourtant pas à s’implanter ? Une absence de réponse claire qui persiste au fil des tentatives, pour la plus grande détresse des couples qui n’ont pas encore réussi.
Il n’y a en toute logique que deux réponses possibles : soit c’est l’embryon qui ne possède pas les qualités requises pour s’implanter, soit c’est la muqueuse utérine (endomètre) qui n’est pas suffisamment réceptive pour permette à un embryon pourtant adéquat de s’implanter. On pensait il y a encore quelques années que les défauts embryonnaires expliquaient 90% des échecs d’implantation, mais au fil des travaux il semble bien les causes embryonnaires et endométriales aient tendance à s’équilibrer. Des situations auxquelles des tentatives de réponse commencent à se profiler.
LA QUALITE EMBRYONNAIRE :
Pour être viable, un embryon doit posséder un capital génétique adéquat (46 chromosomes, euploIdie): un capital chromosomique anormal entraine des anomalies de développement qui entravent plus ou moins vite l’évolution de l’embryon : il est inapte à s’implanter, ou alors il disparaît peu après. L’anomalie la plus fréquente est la polyploïdie, caractérisée par la présence de plus de 46 chromosomes, et dont la fréquence augmente avec l’âge féminin.
Ces anomalies chromosomiques ne sont pas toujours visibles au microscope : beaucoup de « beaux » embryons en sont porteurs, ce qui explique qu’ils ne s’implantent pas. Il existe certes des tentatives pour essayer de mieux apprécier cette qualité embryonnaire :
- L’embryoscope : l’observation à intervalles réguliers du développement embryonnaire concourt à apprécier la qualité de l’embryon, mais nécessite de le manipuler à plusieurs reprises en le retirant de l’atmosphère contrôlée de l’étuve où il se trouve : l’embryon subit inévitablement des variations potentiellement préjudiciables de température, de lumière et d’environnement gazeux .
L’embryoscope au contraire est un dispositif permettant de photographier l’embryon à intervalles réguliers et ainsi de l’observer de manière plus précise sans le manipuler. Il est possible de l’évaluer à intervalles plus rapprochés et aussi souvent que nécessaire : on est ainsi en mesure de saisir des anomalies discrètes de son développement (vitesse de division …), ce qui pourrait concourir à une meilleure sélection embryonnaire.
L’embryoscope permet d’utiliser des algorithmes pour tenter de distinguer les embryons qui auront le plus de chances de s’implanter, en se basant sur leur morphologie et leur cinétique. Beaucoup d’équipes estiment toutefois que les meilleurs résultats attribués à ce dispositif sont essentiellement à mettre sur le compte de l’absence de manipulation des embryons.
- Le diagnostic pré-implantatoire (DPI) : il est possible dès les premiers stades de division embryonnaire de prélever une cellule de l’embryon sans compromettre son développement ultérieur. L’analyse chromosomique de cette cellule permet de savoir si l’embryon possède un capital génétique normal, et de ne sélectionner pour implantation ou conservation que les embryons normaux (euploïdes). On évite ainsi de transférer de « beaux » embryons anormaux, mais on accepte aussi le risque que tous les embryons soient chromosomiquement anormaux, et qu’il n’y ait pas de transfert.
Cette technique est surtout intéressante après 38 ans, âge après lequel le risque de polyploïdie augmente rapidement ; elle pourrait aussi être mise en œuvre à un âge plus jeune en cas d’échecs répétés de transfert. Malheureusement, il est impossible en France d’avoir recours à cette technique dans cette indication, car elle est réservée aux couples à risque de transmission d’une maladie génétique. Elle est par contre pratiquée en semi-routine dans la plupart des autres Centre Européens de PMA.
LES CAUSES ENDOMETRIALES
L’endomètre est l’autre grand partenaire de la réussite : il est nécessaire qu’il soit dans un état de réceptivité particulier pour qu’un embryon sain puisse y adhérer puis s’implanter. Cet état ne dure que quelques jours par cycle : c’est la « fenêtre d’implantation », c’est-à-dire qu’un embryon se présentant en dehors de ce créneau n’a aucune chance de s’implanter.
Au cours d’un cycle naturel de 28 jours, l’embryon constitué le jour de l’ovulation (J 14) chemine environ une semaine dans la trompe utérine avant d’atteindre la cavité utérine : la fenêtre d’implantation se situe entre J 21 et J 23. Dans un cycle de FIV au contraire, la stimulation ovarienne intense avance cette fenêtre, et le transfert embryonnaire a lieu entre 2 et 5 jours après le recueil ovocytaire et la fécondation.
Si on les compare avec les moyens mis à apprécier la qualité embryonnaire, les explorations au niveau de l’endomètre restent très rudimentaires. La seule exploration qui soit parfois réalisée à ce niveau dans le cadre du bilan pré-FIV est une biopsie, un prélèvement de la muqueuse pour dépister une éventuelle inflammation (endométrite) à traiter préalablement. Par la suite, le seul paramètre dont on se soucie avant le transfert embryonnaire est l’épaisseur de la muqueuse qui doit atteindre au moins 7 mm, même si des grossesses sont possibles dans des endomètres plus fins.
Il existe pourtant à l’heure actuelle au moins deux types d’approche pour mieux apprécier les qualités implantatoires de l’endomètre :
- Le test ERA (Endometrial Receptivithy Array): Il consiste à vérifier sur un prélèvement de muqueuse effectué pendant la fenêtre d’implantation présumée que les critères histologiques caractéristiques de cette période du cycle sont bien au rendez-vous : on peut ainsi s’apercevoir que cette fenêtre est décalée en avance, ou au contraire en retard, chez certaines patientes : le moment du prochain transfert sera décalé d’autant selon ces données.
- Le test MatriceLab : les processus d’implantation embryonnaire sont essentiellement dominés par des phénomènes immunitaires. Ce test consiste précisément à mesurer l’expression immunitaire au niveau d’un prélèvement d’endomètre effectué aussi pendant la fenêtre d’implantation. On peut ainsi mettre en évidence une surexpression, ou au contraire une sous-expression immunitaire, et proposer des mesures correctives préalables au prochain transfert.
L’intérêt de ces tests reste toutefois débattu, en dehors même du fait qu’ils représentent un certain coût non pris en charge : même s’il est tenu compte de leurs résultats, un succès au cours de la tentative suivante n’est jamais assuré, ne serait-ce que parce que la qualité embryonnaire ne sera peut-être pas au rendez-vous. Mais plusieurs études tendent à montrer que tenir compte des résultats de ces tests augmente les chances de succès au cours des tentatives suivantes, même si leur valeur statistique peut toujours être discutée. Ces tests ne sont peut-être pas irréprochables, mais, ce sont les meilleurs dont nous disposons dans l’état actuel des connaissances.
AU TOTAL, tous les efforts au cours de la tentative de FIV doivent rester concentrés sur les moyens d’obtenir la meilleure qualité embryonnaire possible.
Si par contre la première et la deuxième tentative ne sont pas couronnées de succès malgré plusieurs transferts de « beaux » embryons frais et/ou congelés, il est prudent de s’interroger sur les qualités implantatoires de l’endomètre avant de s’engager dans les deux dernières tentatives.
Constater que la fenêtre implantatoire est en place, et que l’immunité endométriale est adéquate renforcera la nécessité d’obtenir des embryons sains. Dans les cas contraires, et en toute logique, mieux vaut tenir compte des résultats de ces explorations endométriales sophistiquées : décaler un transfert ou modifier l’expression immunitaire de la muqueuse afin d’optimiser les chances de réussite.