Dr Jean-Claude EMPERAIRE

Les articles du Dr Emperaire

Infertilité sans cause apparente : quelle stratégie ? (2/3)

Lorsque la stimulation ovulatoire simple n’a pas pu amener un début de grossesse, la prochaine étape logique est d’y associer l’insémination intra-utérine (IIU). On entre ainsi dans le champ de la Procréation Médicalement assistée (PMA) ou Assistance Médicale à la Procréation (AMP).

Cette stratégie repose également sur une hypothèse : la réalisation de cycles ovulatoires adéquats n’ayant pas réussi à obtenir un succès, l’hypothèse est que le nombre de spermatozoïdes (spz) présents dans les trompes au  moment de l’ovulation est insuffisant pour que la fécondation puisse se produire. Cette éventualité est impossible à vérifier en pratique : s’il est effectivement possible d’observer le comportement de spz dans la glaire cervicale au cours du test post-coïtal, le devenir réel de ces spz vus au microscope reste inconnu : cheminent-ils dans l’utérus en quantité suffisante ? Atteignent-ils les trompes ? Ou restent-ils en majorité dans la glaire cervicale ? Aucun examen ne peut répondre à cette question.

Dans des conditions normales, après un rapport sexuel, moins de 10 spz parviennent dans la trompe pour féconder l’ovocyte. On comprend que des conditions discrètement défavorables puissent facilement faire chuter ce nombre et avec lui les chances de grossesse.

L’INSEMINATION INTRA-UTERINE

Il ne s’agit pas juste de déposer des spz près du fond de l’utérus : pour avoir les meilleures chances de réussite, l’IIU doit être réalisée dans le cadre d’une stimulation ovarienne afin de bénéficier d’un cycle ovulatoire de la meilleure qualité possible : c’est la stimulation plus l’insémination (1).

En elle-même, la stimulation pour IIU ne diffère pas de la stimulation simple, en dehors du fait que le Clomiphène n’est généralement pas utilisé. Il s’agit d’une stimulation par les gonadotrophines, avec les mêmes règles et la même surveillance.

Les équipes sont généralement plus larges en stimulations bi-folliculaires lorsqu’il s’agit d’effectuer une IIU, en dehors des contre-indications médicales qui demeurent : les couples qui n’ont pas réussi en stimulation simple sont en effet considérés comme affectés d’une infertilité plus difficile.

Le moment précis où l’insémination doit être réalisée constitue l’aspect crucial de la technique. Elle doit en effet intervenir au plus près de l’ovulation pour avoir les meilleures chances de réussite. Contrairement aux spz qui atteignent les trompes naturellement après un rapport sexuel, et qui peuvent rester fécondants plusieurs jours, les spz déposés par IIU ne disposent que de peu de temps : ils ont en effet été fragilisés par le processus de sélection effectué en laboratoire ; de plus, ils doivent encore franchir la distance entre l’endroit où ils sont déposés, à environ 1 cm du fond utérin, jusqu’au 1/3 externe des trompes. Quant à l’ovocyte, qu’il soit expulsé spontanément ou par l’injection ovulante d’Ovitrelle, il ne reste fécondable que quelques heures, après quoi il dégénère. La fenêtre d’intervention est donc très étroite.

Il a été montré que le processus ovulatoire, successivement la rupture du follicule ovarien mûr et l’expulsion de l’ovocyte, avait lieu entre 36 et 40 heures après le début du pic ovulatoire de LH en cycle naturel, ou de l’injection ovulatoire d’Ovitrelle en cycle stimulé. Le calcul paraît donc relativement simple : l’IIU doit avoir lieu en fin de matinée, le surlendemain de l’injection d’Ovitrelle, qui, comme celles de gonadotrophines, a lieu en soirée : par exemple, insémination le Mercredi matin en cas de déclenchement ovulatoire le Lundi soir.

Ce timing connait toutefois des exceptions : il ne faut pas oublier qu’au cours de la stimulation ovarienne l’ovulation n’est pas bloquée, et reste susceptible d’être déclenchée spontanément par le follicule parvenu à maturité. C’est la raison pour laquelle parmi les dosages hormonaux de la surveillance figure celui de la LH : c’est une décharge de cette hormone qui déclenche l’ovulation spontanée. Par conséquent :

  • Si le jour de l’injection ovulante d’Ovitrelle le taux de LH est toujours bas, c’est bien l’Ovitrelle qui déclenche l’ovulation, et l’IIU est programmée le surlendemain matin ; par contre :
  • Si le taux de LH s’est déjà élevé le jour de l’Ovitrelle, cela signifie que le processus ovulatoire spontané s’est déclenché la veille ou dans la nuit précédente, et dans ce cas l’IIU est avancée et programmée le lendemain matin.

Il est également possible de reculer d’un jour l’IIU, afin qu’elle ne tombe pas un Dimanche ou un jour férié, ou un jour où l’un des membres du couple est absolument indisponible. Il suffit d’injecter un analogue antagoniste de la GnRH par voie sous-cutanée, qui bloque pendant 24 heures une éventuelle décharge de LH. Par contre, en l’absence d’un pic prématuré de LH, il n’est pas possible de décider d’avancer une IIU.

Comme pour la stimulation ovulatoire simple, il n’est pas utile de prescrire de la progestérone après l’ovulation et l’insémination, sauf si l’on a utilisé un analogue de la GnRH.

Pendant combien de temps ? Les résultats de l’IIU avec sperme de conjoint sont comparables à ceux permis par la stimulation simple : entre 15 et 20% de débuts de grossesse par cycle, avec un taux cumulé compris entre 30 et 40% après 4 à 6 cycles. Malgré la modestie apparente de ces chiffres, l’IIU offre ainsi des chances supplémentaires de grossesse à ces couples qui avaient échoué en stimulation simple.

Les mêmes règles s’appliquent à l’IIU qu’à la stimulation ovarienne simple : on peut espérer un succès jusqu’au 6° cycle chez les femmes jeunes, alors qu’on se limitera à 3-4 cycles chez les femmes après 35 ans ou en fonction de situations particulières.

Les seules complications à craindre sont celles de la stimulation ovarienne : hyperstimulation ovarienne et grossesses multiples. L’insémination elle-même est un geste simple qui ne fait courir aucun risque particulier.

Dans ces conditions, pourquoi ne pas avoir recours d’emblée à l’IIU en cas d’infertilité sans cause apparente, et « sauter » ainsi la case stimulation ovulatoire simple ? C’est une question fréquemment posée par les couples montrant une impatience par ailleurs légitime.

En réalité, avoir recours d’emblée à l’IIU ne représente généralement pas la meilleure stratégie pour ces couples, et ce pour au moins deux raisons :

  • L’IIU représente un processus plus lourd, qui implique la coopération d’une équipe biologique ainsi que des astreintes plus importantes pour le couple, augmentant d’autant les différents stress ; *Même si le traitement reste « semi-naturel », l’insémination représente une intrusion importante dans l’intimité du couple, dont il ne faut pas sous-estimer les répercussions potentielles ;
  • Surtout, les chances de grossesses des deux techniques sont voisines, même si l’IIU permet des succès chez ces couples qui ont échoué en stimulation simple, et sont donc affectés d’une infertilité plus difficile ;

C’est pourquoi il n’y a aucune raison de se priver des chances de succès apportées par la stimulation simple. En cas d’échec, ce ne seront pas les quelques mois « perdus » qui seront susceptibles de réduire les chances de succès ultérieures en AMP.

 

1-Voir l’article « Qu’est-ce que l’insémination ? »

 

 

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