Les articles du Dr Emperaire

J’AI DES « OVAIRES MICROPOLYKYSTIQUES : QUELLES CONSEQUENCES POUR  MOI ?

Le fait de sortir de la consultation du gynécologue avec le diagnostic d’ « ovaires micropolykystiques » (OMPK) est le plus souvent vécu comme inquiétant, ne serait-ce que par la présence du mot « kyste » qui évoque immanquablement une lésion ovarienne à risque. Il s’agit pourtant d’une situation relativement courante, et qui a peu de conséquences pour la plupart des femmes qui en sont atteintes. Tout d’abord, le terme de « microkystes » est impropre, et remonte à la première mise en évidence du syndrome … en 1935. Ces « microkystes » aperçus à l’échographie sont en fait de très nombreux follicules, structures normalement présentes dans les ovaires et contenant les ovocyte : il s’agit en réalité d’ovaires multi-folliculaires, rien de plus. Avoir des ovaires multi-folliculaires n’a en soi aucune conséquence ; c’est l’association de cet aspect ovarien avec d’autres symptômes, réalisant un syndrome OMPK, qui est susceptible de créer des difficultés : il atteint 15 à 20% des femmes dans notre pays.

DE QUOI S’AGIT-IL AU JUSTE ?

Une femme est atteinte d’un syndrome OMPK (SOMPK) lorsqu’elle présente au moins 2 des 3 signes suivants : 1-Des troubles du cycle sous tendus par des troubles de l’ovulation : cycles très longs, règles espacées de plusieurs mois, voire carrément absentes ; cette anovulation est souvent à l’origine de difficultés pour devenir enceinte. 2-Une augmentation du taux des hormones mâles (hyperandrogénie d’origine ovarienne), qui peut se révéler par des manifestations cliniques comme une acné et/ou une augmentation de la pilosité ; elle est dans tous les cas détectable par les dosages hormonaux. Cette hyperandrogénie ovarienne doit être distinguée des autres causes d’hyperandrogénie, ovariennes ou surrénaliennes, congénitales ou tumorales. La sécrétion exagérée d’hormones mâles par les ovaires est susceptible de créer une résistance à l’insuline, facteur de prise de poids et de problèmes métaboliques : c’est là en fait la conséquence la plus préoccupante du SOMPK. 3-Un aspect mutifolliculaire caractéristique à l’échographie, avec au moins un ovaire augmenté de volume, et/ou la présence d’au moins 20 follicules sur au moins l’un des deux ovaires, et/ou l’existence d’un taux d’AMH élevé, voire très élevé. Donc s’entendre dire qu’on « a le SOMPK » uniquement sur l’aspect des ovaires à l’échographie, comme c’est souvent le cas, n’a en réalité aucun sens.

POURQUOI LE SOPK ?

Au cours du cycle normal, un certain nombre de petits follicules sont recrutés au sein du pool folliculaire ovarien. Ils vont se développer sous l’action de l’hormone FSH, mais seul le plus sensible d’entre eux ira jusqu’à l’ovulation : tous les autres vont s’atrophier progressivement et disparaître.

Chez la femme atteinte de SOMPK, c’est l’hyperandrogénie ovarienne qui est la principale responsable de ce syndrome, par la combinaison de deux mécanismes : 1-Le recrutement folliculaire ovarien est excessif, et beaucoup trop de petits follicules entrent en phase de pré-croissance. 2-L’action stimulatrice de l’hormone FSH sur la croissance folliculaire est inhibée par les taux élevés d’AMH : le développement de ces petits follicules est bloqué, d’où les troubles de l’ovulation, et leur accumulation dans les ovaires qui leur donne cet aspect évocateur. L’origine exacte de ce dysfonctionnement est mal connue, et sans doute diverse. L’existence de formes familiales fait évoquer un mécanisme génétique polygénique ; on commence aussi beaucoup à parler des agressions chimiques de l’embryon au cours de la vie intra utérine : certains médicaments, les perturbateurs endocriniens …

QUELLES CONSEQUENCES POUR MOI ?

Selon les combinaisons possibles des différents critères nécessaires au diagnostic, il y pratiquement autant de SOMPK différents que de femmes concernées. Mais c’est la présence ou non d’une résistance à l’insuline qui va faire la différence entre formes bégnines et formes préoccupantes, car elle équivaut pratiquement à un état pré-diabétique. Cette résistance à l’insuline forme un couple maudit avec l’hyperandrogénie : l’hyperandrogénie favorise la résistance à l’insuline, et la résistance à l’insuline aggrave l’hyperandrogénie, deux mécanismes favorisant la prise de poids. La résistance à l’insuline se dépiste le mieux par l’épreuve d’hyperglycémie provoquée par voie orale (HPO) à 75 g de glucose. Elle doit être recherchée systématiquement chez toutes les femmes pour lesquelles le diagnostic de SOMPK s’envisage, quel que soit leur statut podéral. C’est pourquoi il existe en pratique deux catégories de SOMPK, qui n’ont pas le même pronostic : *Les femmes de poids normal, avec peu ou pas de signes d’hyperandrogénie, et surtout affectées par des troubles du cycle et/ou une infertilité : la résistance à l’insuline est peu fréquente, et toutes les médications existent pour restaurer chez elles des ovulations et des possibilités de grossesse normales ; *Les femmes présentant une surcharge pondérale ou une obésité, chez lesquelles les signes d’hyperandrogénie et la résistance à l’insuline sont les plus fréquents : elles doivent être considérées, et surtout se considérer, comme atteintes d’une maladie métabolique générale nécessitant une prise en charge globale et adaptée. La réduction pondérale est impérative pour leur santé à moyen et à long terme : nutrition adaptée, exercice physique … Une perte de poids de 10% est à elle seule capable de restaurer des cycles menstruels et des possibilités de grossesse. Les médications souvent proposées par ailleurs sont décevantes : la metformine est peu efficace en l’absence de diabète, les inositols peinent à faire leurs preuves … Certes, un traitement stimulateur ovarien adapté est susceptible de rétablir des ovulations et des possibilités de grossesse malgré le surpoids ; mais la négligence de ce contexte va conduire à des complications potentielles : hypertension artérielle et/ou diabète gestationnel, prématurité, et de façon générale à plus long terme diabète et maladies cardiovasculaires. Toutes les situations intermédiaires existent évidemment entre ces deux extrêmes.

EN CONCLUSION

Être diagnostiquée comme atteinte d’un SOMPK suppose d’abord qu’au moins deux des trois critères nécessaires soient réunis, pour ne pas être inquiétée par un simple aspect multifolliculaire ovarien isolé. La suite va se dérouler selon la présence ou non du facteur pronostique principal : la résistance à l’insuline. En son absence, les inconvénients principaux se résument à des troubles de l’ovulation faciles à équilibrer ; sa présence au contraire impose de se considérer comme atteinte d’une maladie métabolique générale à prendre en charge comme telle, complètement et dans tous ses aspects.