Dr Jean-Claude EMPERAIRE

Les articles du Dr Emperaire

Peut-on vraiment faire « rajeunir » mes ovaires ? 1/2

A l’heure actuelle, beaucoup  de situations d’infertilité du couple sont dus à un vieillissement ovarien prématuré ; c’est une nouvelle d’autant plus mauvaise qu’elle est généralement inattendue, à la fin du bilan étiologique

L’ovaire subit un vieillissement avec le temps, comme tous les organes du corps, mais il s’agit d’un vieillissement particulier dans la mesure où il concerne surtout les ovocytes qu’il contient. Rappelons encore une fois que le stock ‘ovocytes contenus dans les ovaires  est caractérisée par deux paramètres indépendant :

  • La quantité d‘ovocytes, ou réserve ovarienne : elle se mesure avec le taux d’AMH et le compte folliculaire antral. 
  • La qualité ovocytaire, elle, est liée à l’âge, et elle peut commencer à se dégrader vers 35 ans, parfois plus tôt chez certaines personnes ; le problème est que cette évaluation n’est que statistique, et que la qualité ovocytaire elle ne se mesure pas directement.

 Lorsque la réserve ovarienne tombe au-dessous d’une certaine limite, apparaissent les phénomènes de pré-ménopause avec ses troubles du cycle, et l’augmentation du taux de FSH ; puis la ménopause, qui, lorsqu’elle survient avant 45 ans, est considérée comme plus ou moins précoce selon l’âge auquel elle se produit. Cette évolution naturelle est irréversible.     

Afin de venir en aide aux femmes qui souhaitent une grossesse alors que leur réserve ovarienne est effondrée, voire en pré-ménopause, plusieurs méthodes sont proposées pour faire revenir en arrière l’horloge biologique ovarienne : ce sont les techniques de « réjuvénation » ovarienne. Mais en sont elles réellement capables, et quelle est leur efficacité en pratique ?

 On peut distinguer deux sortes d’approche : celles qui sont disponibles en quasi-routine clinique, et celles qui se passent au sein du laboratoire d’embryologie. 

Précisons tout de suite qu’à ce jour aucune de ces techniques n’est proposée en France.

LES TECHNIQUES CLINIQUES

Ces méthodes sont toutes basées sur une constatation bien établie : il persiste encore, au moment où la ménopause survient, environ un millier d’ovocytes, mais qui sont particuliers : les follicules qui les contiennent sont « dormants », inactifs, insensibles aux stimulations hormonales, et ce pour des raisons qui restent hypothétiques. L’idée est donc de tenter de mobiliser ce contingent apparemment disponible, et de lui faire reprendre le processus aboutissant à l’obtention d’ovocytes matures.

Deux techniques sont actuellement proposées :

1-Le PRP, pour Plasma Rich Platelets : les plaquettes sanguines comportent des granules contenant une très grande quantité de facteurs de croissance divers : ce sont elles qui interviennent en cas de plaie pour stopper le saignement, puis réparer et cicatriser les tissus.  

Le principe : utiliser ce pouvoir régénératif des plaquettes sanguines de la patiente pour tenter de « réveiller » ces ovocytes résiduels ; cette technique est déjà utilisée avec des succès divers dans plusieurs domaines médicaux, en particulier en injections intra-articulaires pout tenter de réparer ou régénérer le cartilage.  Certains spécialistes pensent également que le PRP pourrait provoquer la différentiation de cellules souche ovariennes, et augmenter ainsi à la fois la quantité et la qualité de jeunes ovocytes ; toutefois, la présence de cellules souche dans l’ovaire féminin n’est pour l’instant pas admise par tous.                                                            

La réalisation : il s’agit de traiter par centrifugation du sang prélevé chez la patiente, afin d’éliminer les autres organites sanguins, essentiellement les globules rouges, et d’obtenir ainsi un échantillon de plasma enrichi en plaquettes sanguines. Celui-ci est extemporanément injecté dans la corticale de l’ovaire, là où se situent les ovocytes à stimuler ; cette opération se fait par voie trans-vaginale sous contrôle échographique, exactement comme une ponction ovarienne pour fécondation in vitro. Certaines Cliniques effectuent l’injection ovarienne sous contrôle de la vue, par celioscopie ; cette technique est plus invasive, et suppose une anesthésie générale, sans que ses résultats ne semblent supérieurs.                                              

Les résultats : c’est la grande inconnue de cette approche. On trouve dans la littérature de nombreux rapports faisant état de retour de cycles chez des femmes ménopausées, ou d’une augmentation des taux d’AMH, et des grossesses spontanées  ou par une PMA auparavant inenvisageable. Le problème est que tous ces événements peuvent également se produire de manière naturelle, sans intervention thérapeutique : quelle est alors la part réelle de cette technique dans les succès annoncés ? Seule une étude prospective randomisée à double insu chez un nombre suffisant de patientes pourrait répondre à cette  question : tirage au sort des deux groupes de femmes avec des situations comparables, l’un avec et l’autre sans PRP, donc injection intra-ovarienne de sérum physiologique dans le groupe témoin, les médecins eux même ne sachant pas s’ils injectent du sérum ou du PRP  … Autant dire qu’une telle étude, la seule qui apporterait un réponse claire, n’est pas prête à être réalisée … (1).                                  

De plus, en admettant que cette démarche comporte une certaine efficacité, de nombreuses questions demeurent encore sans réponse, notamment : il y a-t-il un profil de femmes qui a plus de chances de succès ? Quelle concentration optimale pour le PRP ? Une ou plusieurs injections ? Si oui, à quel intervalle ? Combien de temps attendre entre ce geste et la première stimulation ?…

En pratique le rapport bénéfice / risques reste difficile à établir : on ne peut que se fier aux résultats annoncés par la Clinique à laquelle on s’est adressé. Les risques eux même sont faibles : la ponction ovarienne transvaginale est un geste très habituel : entre des mains entrainées , le risque de saignement ou d’infection reste extrêmement bas.

En dehors des aspects financiers, le vrai risque est toujours le même : être encore une fois déçue … 

1-Seckin S, Ramadan H, Mouanness M et Coll. Ovarian response to intraovarian platelet-rich plasma (PRP) administration : hypotheses and potential mechanisms of action. J Assist Reprod Genet 2022; 39(1): 37-61.

 

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