Analyse de la parution médicale « Clinical outcomes of vitrified-warmed autologous oocyte cycles with 15 years follow up at a single UK centre: consistent and predictable results »
- Auteurs : GARRAT J et Coll
- Support : RBMO 2024, 49:6
La conservation de ses ovocytes par congélation est désormais une possibilité offerte à toute femme devant effectuer un traitement délétère pour les ovaires, comme une chimiothérapie. Mais c’est pour des raisons sociétales que la congélation ovocytaire est de plus en plus demandée : la qualité ovocytaire, et donc la fertilité féminine, déclinant significativement à partir de 35 ans : entre 35 et 37 ans, la moitié (54%) des embryons sont déjà chromosomiquement anormaux (aneuploïdes) et incapables de s’implanter; cette proportion passe à 63% entre 38 et 40 ans, et à 66% entre 40 et 42 ans. La congélation, qui fixe la qualité ovocytaire dans le temps, est censée permettre de repousser dans le futur un éventuel projet de grossesse en bénéficiant de la qualité ovocytaire du présent..
Un certain nombre de publications rapportant des résultats contradictoires, et souvent mitigés, ont jeté le doute sur les chances réelles de concevoir à partir de ses ovocytes ainsi conservés. D’où l’intérêt de cet article, qui fait le point à partir d’une large expérience et d’un important recul.
LES PATIENTES
Il s’agit d’une étude rétrospective mono-centrique, rapportant l’expérience d’un seul Centre britannique, où un total de 26.989 ovocytes a été vitrifié chez 2171 femmes entre 2008 et 2022. Entre 2015 et 2023, 299 femmes soit 14% seulement sont revenues au Centre pour utiliser leurs ovocytes. Les embryons obtenus après réchauffement ovocytaire ont été transférés soit à l’état frais, soit après congélation. Un total de 332 cycles de transfert embryonnaire a ainsi été réalisé. L’âge moyen des femmes au moment de la congélation ovocytaire était de 37,6 ans, et de 40 ans au moment du transfert embryonnaire. Chez ces patientes, la durée moyenne de conservation a été de 2 ans, et 71% d’entre elles étaient en couple à leur retour au Centre.
LES RESULTATS
Ils confirment que les chances de grossesse sont d’autant meilleures que l’âge de la femme au moment de la conservation est plus bas : le taux cumulatif de naissance vivante (TNV) passe de 56% chez les femmes qui ont conservé leurs ovocytes avant 35 ans, à 32% entre 35 et 40 ans, pour chuter à 11% à 40 ans et plus. La mise en œuvre associée du diagnostic préimplantatoire (DPI) permet de presque doubler les résultats.
Une relative bonne nouvelle dans cette étude pour les femmes qui n’ont pas pu congeler leurs ovocytes avant l’âge de 40 ans, et pour lesquelles certains articles ne donnaient aucune chance de grossesse : le TNV cumulatif après DPI atteint 42% chez celles qui ont pu obtenir au moins un embryon chromosomiquement normal (euploïde).
AU TOTAL
Cette étude montre qu’il est parfaitement réaliste de penser à faire conserver ses ovocytes pour un éventuel usage futur. Il était déjà acquis que la vitrification n’altérait en rien la qualité ovocytaire ; et en effet, ces résultats sont comparables à ceux obtenus à partir d’ovocytes frais de femmes du même âge au moment de la vitrification. Ils permettent de prévoir que près de 80% des femmes qui font vitrifier leurs ovocytes avant l’âge de 35 ans seront enceintes. Ce taux décroît pour des conservations plus tardives, mais reste très encourageant, surtout si le DPI est mis en œuvre.
Comme le conclut l’auteur, si toutes les femmes qui font conserver leurs ovocytes ne seront certes pas enceintes, il reste que la vitrification ovocytaire offre des chances crédibles et reproductibles de grossesse, même lorsqu’on n’a pas pu y procéder avant l’âge de 40 ans.