Analyse de la parution médicale « Comparison of cumulative pregnancy live birth rates after embryo transfer at day 2/ 3 versus day 5/6 : a French national study. »
- Auteurs : P. Fauque et Coll.
- Support : RBMO 2024, 49:6
La plupart des couples, et beaucoup de médecins, pensent que le transfert d’un embryon âgé de 5 à 6 jours (stade blastocyste) a plus de chances de se terminer par la naissance d’un enfant vivant que le transfert d’un embryon âgé de 2 ou 3 jours (stade de clivage). Le raisonnement logique est que, parmi un pool d’embryons considérés comme de bonne qualité, seuls les meilleurs d’entre eux poursuivront leur développement jusqu’au 5°-6° jour, alors que les embryons défectueux verront leur progression stopper pendant cette période. (Rappelons qu’il n’existe pas de transfert à J4, car l’appréciation de la qualité embryonnaire est très difficile au cours de ce jour transitionnel).
La réalité est plus nuancée : si le transfert d’embryons frais semble donner l’avantage au groupe blastocyste, la majorité des travaux portant sur les embryons congelés conteste cette supériorité. La question est d’autant plus importante que la plupart des transferts porte aujourd’hui sur des embryons congelés ou vitrifiés.
Le présent travail est une étude française rétrospective multicentrique utilisant la base de données de l’Agence Française de Biomédecine sur 4 ans (2016 – 2019). Les auteur(e)s ont restreint leur recherche aux 76 Centres ayant eu des résultats positifs supérieurs à la moyenne nationale pendant 3 ans ; et aux cycles où les embryons ont été congelés par vitrification, et non par la technique précédente de congélation lente.
L’équipe a ainsi colligé un total de 133.250 cycles où un transfert d’embryon frais ou vitrifié a eu lieu, dont 70.728 cycles à J2 – J3 et 62.722 cycles à J5 – J6. L’analyse globale des résultats donne des résultats contre intuitifs, à savoir que l’extension de la culture embryonnaire au stade blastocyste n’augmente pas les chances pour le couple d’obtenir une naissance vivante (NV). En effet, si l’analyse globale donne l’avantage au transfert de blastocyste (33,4% contre 30,3% NV par transfert), une analyse plus précise prenant en compte l’ensemble des variables (âge et parité de la femme, rang de la tentative, nombre d’embryons à J2, méthode de fertilisation …) donne la supériorité au transfert au stade de clivage : 30,3% contre 27,% NV par transfert.
Il existe au moins trois explications à ces résultats apparemment paradoxaux :
*Certains embryons qui auraient parfaitement pu s’implanter à J2 – J3 ne sont pas équipés pour subir le stress, oxydatif notamment, d’une culture prolongée, et ne sont plus capables de s’implanter à J5 – J6.
*La tentative de culture prolongée peut aboutir à l’absence d’embryon transférable après 5 à 6 jours de culture ; ceci est particulièrement vrai lorsqu’il existe moins de 4 embryons à J2. L’absence de transfert représente pour le couple un choc émotionnel qu’il est aussi nécessaire de prendre en compte.
*La culture prolongée ne met pas à l’abri d’anomalies chromosomiques chez les blastocystes, comme l’a montré l’expérience du diagnostic préimplantatoire utilisé en semi routine dans les Centres FIV étrangers.
La tendance générale au sein des Centres FIV de privilégier la culture prolongée n’est donc pas forcément la meilleure pour tous les couples, et c’est à l’embryologiste qu’incombe finalement la responsabilité de choisir la meilleure stratégie pour chacun.
D’autant que la culture prolongée est mise en cause dans les risques d’obtention de grossesses gémellaires monozygotes, de prématurité et d’enfants grands pour leur âge gestationnel.