Les articles du Dr Emperaire

Infertilité sans cause apparente : quelle stratégie ? (1/3)

L’infertilité sans cause apparente (inexpliquée, inexplicable, idiopathique …) est une réalité, puisqu’à l’heure actuelle elle concerne pratiquement la moitié des couples qui rencontrent des difficultés à concevoir un enfant. Il s’agit d’une épreuve de plus pour ces couples : ne pas pouvoir identifier une cause à leur incapacité, qui permettrait d’y opposer un traitement logique.

L’infertilité est définie comme inexpliquée lorsque le partenaire féminin ovule et possède au moins une trompe utérine perméable, et le partenaire masculin montre un sperme normal. Cette définition restrictive et sommaire laisse subsister la possibilité de beaucoup d’anomalies plus  discrètes : comme nous l’avons vu, l’absence de cause disparaît presque complètement si on se donne la peine d’effectuer des investigations plus minutieuses (1) : anomalies du développement et de la maturation folliculaires, glaire cervicale impropre au cheminement des spermatozoïdes, anomalies du pic ovulatoire de LH, rétention ovocytaire dans le follicule, insuffisance lutéale … La mise en évidence de ces anomalies nécessite des examens fastidieux, astreignants et répétitifs : de plus, pour la caractériser vraiment, le même anomalie devrait être constatée sur deux cycles successifs. C’est la raison pour laquelle les examens destinés à les rechercher ne sont presque jamais pratiqués

Il est donc facile de comprendre pourquoi la stratégie thérapeutique en face d’une infertilité sans cause apparente ne repose pas sur des constatations objectives, mais sur des hypothèses. On met en général en oeuvre une escalade qui débute avec la simulation ovulatoire simple, et qui en cas d’insuccès conduit vers la Procréation Médicalement Assistée : Insémination Intra-Utérine (IIU), puis pour les cas les plus récalcitrants la Fécondation In Vitro (FIV).

LA STIMULATION OVULATOIRE SIMPLE

La première hypothèse suppose que l’infertilité est secondaire à de subtils dysfonctionnements du cycle, que l’on n’a ni la volonté, ni le temps ou les moyens de vérifier : il convient donc simplement de les corriger.

Une stimulation ovulatoire simple, bien menée et suivie de rapports a beaucoup d’avantages : c’est en effet un traitement naturel qui corrige les dysmaturations folliculaires, améliore les qualités de la glaire cervicale, assure un déclenchement ovulatoire satisfaisant et installe une phase lutéale adéquate ; accessoirement, elle permet aussi de s’assurer que les rapports fécondants auront lieu au bon moment. Elle permet également de chercher à provoquer le développement d’un deuxième follicule, ce qui augmente mathématiquement les chances de succès, mais aussi le risque calculé de grossesse gémellaire.

Il s’agit ici de stimuler l’ovulation d’une femme qui ovule déjà spontanément, donc de supplémenter ou de conforter un processus qui existe déjà chez elle.

Deux types de traitement sont disponibles :

  • Le citrate de clomiphène qui agit au niveau de la commande hypothalamo-hypophysaire du contrôle du cycle ovarien : un ou deux comprimés par jour pendant cinq jours à partir du 5° jour du cycle. Ce traitement a le mérite de la simplicité, mais il altère parfois la glaire cervicale et/ou la  muqueuse utérine : d’où la nécessité de contrôler ces éléments au moins au cours du premier cycle de traitement. C’est aussi pourquoi son efficacité en matière d’infertilité inexplicable reste modeste.
  • Les gonadotrophines agissent directement au niveau de l’ovaire. Ce sont les mêmes hormones FSH et LH que celles qui sont secrétées par l’hypophyse. Elles s’utilisent en auto-injections sous-cutanées, un peu comme l’insuline chez les diabétiques, avec des stylos comparables et les mêmes aiguilles. Il s’agit d’un traitement plus efficace mais aussi plus astreignant car il doit être surveillé de près : des doses insuffisantes restent inefficaces, et des doses au contraire trop fortes sont susceptibles de provoquer grossesses multiples et/ou hyperstimulation ovarienne. La limite entre stimulation insuffisante et stimulation exagérée est parfois étroite chez certaines personnes. La dose de départ est calibrée selon l’importance de la réserve ovarienne, mesurée par le taux d’AMH : plus il est élevé, plus le stock ovocytaire ovarien est important, plus l’ovaire est sensible aux gonadotrophines, donc plus faible doit être la dose de départ.

La surveillance (monitorage) de l’ovulation s’exerce par un double contrôle le même jour à la fois hormonal (prise de sang), et échographique ; plusieurs contrôles sont parfois nécessaires au cours du même cycle. Lorsque les critères de la maturité folliculaires sont atteints, l’ovulation est déclenchée par une dose d’Ovitrelle : l’ovulation a lieu dans les 48 heures suivantes, périodes pendant laquelle les rapports sont évidemment nécessaires.

Une stimulation ovulatoire correctement menée assure une maturation folliculaire et ovocytaire satisfaisante, ainsi qu’un déclenchement ovulatoire adéquat, les deux conditions pour obtenir une phase lutéale normale : il n’est pas besoin de prescrire de la progestérone après l’ovulation.

Contrairement à la stimulation effectuée pour rétablir l’ovulation d’une femme qui n’ovule pas spontanément (anovulation), on recherche souvent en cas d’infertilité sans cause apparente à recruter un deuxième follicule mature : la présence de deux follicules augmente les chances qu’au moins l’un d’entre eux soit fécondé : ceci suppose aussi que le risque de grossesse gémellaire soit accepté par le couple mais aussi l’équipe médicale, certaines situations constituant des contre-indications à une grossesse multiple.

En cas d’échec, il n’y a pas d’inconvénient à poursuivre ce traitement cycle après cycle à condition de vérifier préalablement à chaque début de cycle que la stimulation précédente n’a pas laissé subsister de kyste fonctionnel ovarien. Dans ce cas, mieux vaut laisser au repos les ovaires pendant un cycle et vérifier la disparition du kyste avant de réinitier la stimulation. Il n’y a pas d’inconvénient non plus à laisser passer un ou plusieurs cycles sans traitement avant de reprendre la stimulation : les chances de succès restent les mêmes, qu’il y ait eu ou non une stimulation le cycle précédent.

Combien de temps ? Un traitement de stimulation simple ne peut laisser espérer que rétablir des chances normales de grossesse, soit environ 25% par cycle avant 35 ans.

Encore ce taux ne concerne-t-il que les femmes infertiles par anovulation pure ; en cas d’infertilité sans cause apparente, les résultats sont plus modestes : ils dépassent rarement 15 à 20% de début de grossesse par cycle, avec un taux cumulé de grossesses  compris entre 30 et 40% après 4 à 6 cycles. Dans ces conditions, on considère qu’un traitement doit prouver son efficacité sur un maximum de six cycles. L’expérience montre aussi que ces sont les quatre premiers cycles les plus « rentables », d’où la règle non écrite : pas moins de quatre cycles de stimulation, et pas plus de six. Les chances de grossesse par cycle diminuant après 35 ans, on ne propose en général que quatre tentatives aux femmes plus âgées, alors que les plus jeunes peuvent raisonnablement espérer un succès jusqu’au sixième cycle.

Ces limites sont proposées pour deux raisons inverses :

  • Assez de cycles pour laisser à cette technique le temps d’exprimer son efficacité : il n’existe aucun traitement qui permette d’obtenir un début de grossesse à chaque essai.
  • Pas trop de cycles, car l’absence de succès après quatre à six tentatives indique que le traitement est insuffisamment efficace, et que le moment est venu de revoir la stratégie. L’échec de quatre à six stimulations ovulatoires bien menées indique en effet que l’infertilité du couple n’est pas due, ou pas seulement due, à des anomalies subtiles du déroulement du cycle. Il n’y a donc aucune raison de perdre du temps supplémentaire si la PMA doit être mise en oeuvre.

Les complications potentielles sont de deux ordres : hyperstimulation ovarienne (HSO) et grossesses multiples. Le monitorage est justement mis en place pour en limiter les risques au maximum.

1-Voir l’article : « L’infertilité inexpliquée n’existe pas ! »