Dr Jean-Claude EMPERAIRE

Les articles du Dr Emperaire

Le double dilemme de la quarantaine

 

De nombreuses femmes n’entament leur projet d’enfant qu’en approchant de la quarantaine. Ce n’est sans doute pas le meilleur moment, puisqu’il est établi depuis longtemps grâce à l’insémination artificielle que la fertilité féminine décroît avec l’âge : à peu près stable jusqu’après 30 ans, elle commence à décliner à 35 ans, et connait une franche cassure aux alentours de 38 ans, pour ensuite diminuer régulièrement. C’est la principale raison pour laquelle la FIV n’est plus proposée à partir de 43 ans : les chances de grossesse ne sont plus que de 5 à 8% par tentative dans les meilleurs des cas, et de plus la moitié d’entre elles se terminent par des fausses couches.

Certes, la plupart des femmes qui se présentent avec leur projet tardif avaient bien compris qu’il valait mieux avoir des enfants tôt. Mais cette recommandation, plutôt destinée à celles qui sont en couple jeune, afin de les inciter à ne pas trop repousser ce projet dans le temps, a résonné plutôt pour elles comme une incantation. Les choses de la vie ont fait que ce désir d’un enfant, ou d’un autre enfant avec le même partenaire ou avec un autre, n’a pu se réaliser que maintenant, à la quarantaine, et qu’il faut faire avec. Ces couples se trouvent ainsi placés devant un double dilemme :

UN DILEMME DIAGNOSTIQUE

Les chances de débuter une grossesse au cours d’un cycle sont de l’ordre de 25% en moyenne à 30 ans. Avec statistiquement une chance sur quatre chaque mois, la plupart des couples fertiles à cet âge obtiendront un début de grossesse en un maximum de 6 à 8 mois. C’est la raison pour laquelle, à cet âge, il n’est pas raisonnable de débuter un bilan de fertilité avec un minimum moins d’un an d’exposition*, sauf circonstances particulières.

Par contre, à partir de la quarantaine, les chances moyennes de grossesse par cycle sont tombées à 8 à 10% quand tout va bien. En toute logique, il serait nécessaire d’attendre beaucoup plus d’un an avant d’estimer qu’il existe un problème de fertilité. Ce délai d’attente, raisonnable pour ne pas entamer sans raisons un bilan d’infertilité inutile, risque de devenir contre-productif s’il existe effectivement un problème de fertilité : six mois perdus à 40 ans sont plus lourds de conséquence qu’à 30 ans, car entretemps la fertilité continue à décliner plus rapidement.

C’est pourquoi la prudence amène paradoxalement à proposer à cet âge un bilan de base plus tôt qu’on ne le ferait chez une femme plus jeune, ne serait-ce que pour avoir l’assurance qu’il n’existe pas de problème sérieux : contrôle du niveau de la réserve ovarienne, de la perméabilité tubaire, et de la qualité du sperme.

UN DILEMME THERAPEUTIQUE

Le déclin de la fertilité féminine avec l’âge est essentiellement celui de la qualité ovocytaire. Les ovocytes contenus dans les follicules ovariens depuis la vie embryonnaire vieillissent, comme toutes les autres cellules du corps, mais, à leur différence, ne se renouvellent pas. Cette altération liée au temps ne connaît aucun remède, pas même les techniques les plus sophistiquées comme la fécondation in vitro (FIV) qui n’a aucun effet sur la qualité ovocytaire.

Dès lors que le bilan de base ne fait pas apparaître d’anomalie, il existe deux stratégies thérapeutiques qui ont chacun leurs partisans.

La procréation médicalement assistée (PMA) d’emblée : c’est considérer qu’à partir du moment où le bilan de base est normal, il s’agit d’une hypofertilité liée à l’âge, et que seule la PMA est capable de donner les chances maximum de grossesse par cycle qui restent. En pratique, les résultats de l’insémination intra-utérine après 40 ans n’étant pas toujours convaincants, c’est la FIV d’emblée qui sera le plus souvent proposée à ces couples, à condition toutefois que la réserve ovarienne soit encore acceptable : il s’agit de « ne pas perdre de temps ».

Cette proposition thérapeutique est généralement accueillie favorablement par les couples, qui ont l’impression que le maximum va être entrepris rapidement afin d’exaucer leur désir d’enfant.

C’est oublier que la FIV est un parcours lourd, invasif, et surtout qui ne permet d’accoucher qu’à environ 50% de celles qui l’entreprennent ; encore ce chiffre ne concerne-t-il que les couples de bon pronostic, dont les femmes de la quarantaine font rarement partie.

La PMA seulement si nécessaire, donc se hâter lentement, ce qui est aussi ma ligne de conduite, en deux temps :

  • Rechercher des anomalies plus discrètes, au-delà du bilan de base, comme chez les couples plus jeunes : une glaire cervicale insuffisante, ou une dysovulation, notamment. Il est relativement fréquent qu’en approchant la quarantaine le processus de maturation folliculaire, et donc ovocytaire, se dégrade : dysmaturation folliculaire précoce ou tardive, pic ovulatoire de LH inadéquat, non rupture du follicule à l’ovulation …
  • Traiter ces anomalies avant d’avoir recours à la PMA : tous ces dysfonctionnements sont à la portée d’une stimulation folliculaire simple mais adaptée, avec des rapports naturels.

L’inconvénient potentiel de cette stratégie est de risquer de perdre du temps : c’est pourquoi il faut se donner des limites : 4 cycles maximum. En cas d’échec, toujours possible, ce ne seront pas les quatre mois passés qui menaceront réellement le succès de la PMA à venir : c’est le délai moyen pour obtenir un rendez-vous de prise en charge dans un Centre. Ces quelques mois auront également convaincu que seule la PMA pourrait faire mieux, et permis de mieux s’y préparer. En cas de succès, au contraire, cela aura évité une démarche lourde et aléatoire, d’autant que l’expérience montre que cette stratégie permet aussi quelques succès … chez des couples qui avaient opté pour la PMA d’emblée et qui reviennent déçus de la FIV.

(*) Temps d’exposition : délai écoulé depuis l’arrêt des mesures anticonceptionnelles jusqu’à ce jour.

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