Dr Jean-Claude EMPERAIRE

Les articles du Dr Emperaire

L’insémination des femmes seules ou en couple de femmes : A quoi s’attendre ? et quelles chances de succès ?

Les chances de concevoir en insémination artificielle par donneur (IAD) des femmes seules ou en couple de femmes, sont-elles différentes de celles des femmes faisant partie de couples mixtes ? Même si les chiffres n’existent pas encore, il n’y a aucune raison de le penser.

Dans la mesure où le sperme de donneur est considéré comme normal, d’autant que beaucoup de donneurs ont eux même des enfants, le résultat de l’IAD ne dépend plus que de la fertilité féminine. C’est ici qu’il convient de rappeler qu’il n’est pas possible d’affirmer qu’une femme est fertile : tout au plus peut-on affirmer qu’elle n’est pas affectée de facteurs d’hypofertilité susceptibles de diminuer ses chances de succès (1). Il lui suffit de montrer au moins une trompe utérine perméable, et une ovulation adéquate confirmée par un taux de progestérone post-ovulatoire au moins égal à 10 ng/ml, pour être considérée comme fertile. Parmi toutes les femmes qui partagent ces caractéristiques sommaires, nous savons pourtant qu’il existe tous les niveaux de fertilité, qu’il est impossible d’apprécier. Paradoxalement, c’est finalement l’IAD, c’est-à-dire l’exposition à un sperme normal, qui va déterminer le niveau de fertilité de chacune : les plus fertiles seront enceintes les premières.

QUELLES DIFFERENCES AVEC LES COUPLES MIXTES ?

La composition des couples candidats à l’IADn a beaucoup évolué depuis les débuts de la technique en 1972. Il s’agissait initialement de couples affectés d’une absence de spermatozoïdes (spz) dans l’éjaculat (azoospermie), et aussi de couples avec un sperme très pauvre mais contenant des spz (oligospermie). Parmi ces derniers, les femmes très fertiles avaient disparu, car elles avaient pu concevoir malgré un sperme très pauvre : le résultat était que les taux de grossesse étaient meilleurs chez les conjointes d’azoo, car aucune d’entre elles n’avaient jamais « vu » de spz et les femmes très fertiles y étaient toujours présentes (2).

A partir des années 1990, la Fécondation in Vitro avec micro-injection de spz (FIV/ICSI) a permis à tous les couples mixtes affectés d’un sperme très anormal d’avoir les mêmes chances de grossesse que les couples à sperme normal effectuant une FIV pour d’autres raisons. C’est aussi vrai pour beaucoup de couples « azoo », lorsqu’il est possible de retrouver quelques spz à l’intérieur des testicules par biopsie.

En dehors d’une chute significative des demandes d’IAD, la FIV/ICSI a aussi considérable- ment changé la composition du groupe de couples mixtes ayant recours à l’IAD : il s’agit désormais pour l’essentiel de couples ayant échoué en FIV/ICSI, ou pour lesquels cette technique n’était pas envisageable pour une raison ou pour une autre ; il est probable qu’une partie des femmes les plus fertiles n’y sont plus présentes. De leur côté, les femmes effectuant une iAD en solo ou en couple n’ont, pour l’immense majorité d’entre elles, pas été exposées à du sperme fécondant : ce groupe contient toujours les plus fertiles d’entre elles.

QUELS PREALABLES ?

La première démarche à effectuer est de solliciter un premier rendez vous auprès d’une Banque de Sperme. Toutes les banques de sperme en France sont regroupées dans le secteur public au sein de l’organisme CECOS (Centre d’Etudes et de Conservation des Œufs et du Sperme), à une exception près qui confirme la règle. Lors du premier entretien pour constitution du dossier, le médecin du CECOS est attentif aux antécédents et aux comorbidités, et à leur compatibilité avec une éventuelle grossesse. Surpoids et tabagisme feront immanquablement froncer les sourcils. L’âge est bien entendu un élément majeur de la prise en charge : la qualité ovocytaire, et avec elle les chances de succès, diminue avec l’âge : il est ainsi possible de se voir proposer d’emblée plutôt un recours d’emblée à la fécondation in vitro par donneur (FIV/D) après 38 ans, voire plus tôt.

Viennent ensuite les examens destinés à apprécier la fertilité de la candidate. Ces examens se font dans trois directions :

  • Evaluation de la réserve ovocytaire, à la fois hormonale et échographique (3) : une faible réserve pour son âge est susceptible d’orienter plus vite la candidate vers la FIV/D ;
  • Affirmation de l’intégrité utéro-annexielle et pelvienne, par l’échographie et l’hystérosalpingographie : rappelons que toute anomalie tubaire doit impérativement être vérifiée par une salpingographie sélective avant de conclure (4);
  • Appréciation de la qualité de l’ovulation : par un dosage de progestérone, 7 à 9 jours après la date de l’ovulation, présumée ou affirmée par un test adéquat : une dysovulation ou une irrégularité cyclique vont orienter vers une prise ne charge en cycle stimulé.

    Une fois le dossier accepté par la Commission, et l’inévitable délai d’attente écoulé, les inséminations vont pouvoir débuter, jusqu’à un maximum de 6 cycles. En cas de cycles irréprochables, certains Centres sont susceptibles de proposer pour les premières tentatives une IAD sur ovulation en cycle naturel, quoique déclenchée par Ovitrelle. Mais la presque totalité des IAD a lieu sous stimulation légère : son intérêt est de permettre de mieux fixer l’ovulation, mais aussi de faciliter l’organisation du Centre ; elle augmente aussi les chances de succès dans certaines conditions. Mais cette médaille a son revers : la stimulation, même bien conduite, augmente le risque de grossesse multiple.

    QUELLES CHANCES DE SUCCES ?

    Les chances de grossesse à chaque cycle, variables selon l’âge, sont en moyenne de 22% : cela signifie que sur 100 femmes qui débutent un cycle d’IAD, 22 seulement concevront au cours de ce cycle. Ce taux de succès ne varie pas sensiblement avec le rang du cycle, étant pratiquement identique au 6° cycle qu’au premier. Le taux cumulatif de grossesse à la fin de la 6° tentative est de l’ordre de 50% : cela signifie que sur 100 femmes débutant l’IAD, la moitié d’entre elles deviendront enceintes au cours de l’une des 6 tentatives allouées. Rappelons qu’aux débuts de l’IAD, dans les années 70, les CECOS prenaient en charge les couples pour 24 tentatives : la FIV/ICSI n’existait pas encore, et il n’y avait d’autre alternative que l’abandon ou l’adoption. Certaines femmes concevaient en effet tardivement : des grossesses, de plus en plus rares, pouvaient encore être obtenues après le 12° voire le 18° échec. Il est vrai que 80% des grossesses enregistrées par IAD survenaient entre le 1° et le 6° cycle, raison pour laquelle la limite a été fixée maintenant à 6 cycles : les femmes qui n’ont pas réussi avant cette limite se révèlent ainsi affectées d’un certain degré d’hypofertilité, et ont plus de chances de concevoir par FIV/D qu’en poursuivant les inséminations. Ceci illustre le fait que chaque femme est douée de son propre degré de fertilité, degré très inégal entre elles : les femmes les plus fertiles deviennent enceintes le plus vite ; celles qui n’ont pas conçu au cours des 6 cycles sont donc les moins fertiles, alors que leur bilan de départ était strictement superposable à celui des femmes qui ont réussi : bien que ce ne soit pas son but premier, l’IAD constitue une méthode quasi expérimentale pour apprécier la fertilité féminine. Les femmes qui n’auront pas réussi à concevoir à la 6° insémination, et qui souhaitent poursuivre leur projet, se verront proposer une FIV/D pour un maximum de 4 tentatives, avant l’âge de 43 ans. Il est possible que la Banque de sperme propose d’envisager plutôt la FIV/D, soit d’emblée, soit avant le 6° cycle d’IAD, selon son estimation des chances de succès de chacune des techniques pour chaque femme.

    CE QUI EST PARTICULIER AUX FEMMES SEULES OU EN COUPLE DE FEMMES

    Rappelons que ces femmes ont en effet une particularité : l’immense majorité d’entre elles n’a pas tenté de concevoir avec un homme, donc n’a pas été exposée à un sperme potentiellement fécondant. Il en résulte que les femmes les plus fertiles d’entre elles sont toujours présentes au sein de ce groupe, d’où globalement des chances potentiellement plus grandes de concevoir par IAD. Effectivement, les Centres étrangers qui traitent les femmes seules depuis des décennies enregistrent des taux de succès supérieurs : 20% par cycle en moyenne, avec un taux cumulatif de grossesse au 3° cycle de 55% dans les Centres espagnols par exemple : ce chiffre n’est (presque) atteint qu’à la 6° insémination dans les CECOS, qui n’ont traité jusqu’à présent que des couples hétérosexuels.

    EN CONCLUSION
    S’engager dans un processus d’IAD constitue une aventure humaine, comportant des chances d’un succès à la fois très probable, mais jamais garanti. Il faut toutefois toujours garder en tête qu’en matière d’AMP, la première cause d’échec est toujours l’abandon.

    REFERENCES
    1-Voir l’article sur ce site « Suis-je fertile ? ».
    2- Voir l’article par JC Emperaire et coll. « Female fertility and donor insemination” paru dans le numéro de Janvier 1982 de l’American Journal of Fertility and Sterility.
    3-Voir l’article sur ce site « L’AMH, une jauge pour le réservoir à ovocytes ».
    4-Voir l’article sur ce site « Trompes bouchées : penser à la salpingographie sélective ».

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