Les articles du Dr Emperaire

Peut-on vraiment faire « rajeunir » mes ovaires ? 2/2 

2-La fragmentation ovarienne, aussi appelée IVA (In Vitro Activation) : il s’agit cette fois d’agresser directement les ovaires (2).

L’hypothèse : le traumatisme réalisé au niveau du tissu ovarien permettrait d’interrompre les processus inhibant l’évolution de ces follicules « dormants » ; ils redeviennent ainsi capables de retrouver le chemin de leur évolution normale et de redevenir sensibles à la stimulation hormonale. Cette hypothèse a bénéficié de l’expérience gagnée dans les autogreffes ovariennes, chez les patientes ayant effectué une conservation ovarienne avant chimiothérapie par exemple.

La réalisation : elle nécessite une célioscopie sous anesthésie générale. Il s’agit d’isoler le cortex ovarien qui contient ces ovocytes inactifs, soit sur l’ovaire en place, soit après ablation de l’ovaire, puis de le fragmenter en petits cubes de 1 à 2 mm ; ceux-ci sont greffés au niveau du cortex de l’autre ovaire, ou de la trompe utérine. Cette autogreffe peut avoir lieu extemporanément, ou après incubation des fragments ovariens en présence de facteurs activateurs, ce qui nécessite alors une deuxième célioscopie. Certains Centres proposent l’ablation des deux ovaires pour bénéficier d’un maximum de tissu cortical.

Les résultats : ce qui peut être retenu des résultats de cette technique est superposable à ce qui a été dit à propos du PRP (Voir plus haut) ; sachant que la balance bénéfices / risques doit ici tenir compte du risque opératoire et anesthésique, parfois à 2 reprises selon la méthode utilisée. Par ailleurs, lorsqu‘elle est réalisée, l’ablation des deux ovaires comporte ses propres conséquences.

II-LES TECHNIQUES DE LABORATOIRE

Elles visent toutes à remplacer le contenu mitochondrial des ovocytes obtenus par ponction ovarienne (3).

Les mitochondries sont des organites présents dans le cytoplasme de toute cellule ; elles détiennent le rôle capital de centrale d’énergie indispensable à tous les processus intracellulaires. Plus précisément ici, elles ont un rôle central dans deux phénomènes majeurs : la production hormonale du follicule ovarien, et la maturation du noyau de l‘ovocyte.              

Le vieillissement cellulaire s’accompagne d’une baisse quantitative et qualitative de la population mitochondriale. C’est cette dysfonction mitochondriale, quantitative et/ou qualitative, qui induit le vieillissement ovarien.  Il n’existe pas de méthode naturelle connue pour améliorer la fonction  mitochondriale, en dehors des recommandations habituelles sur un mode d’existence sain afin de limiter au maximum le stress oxydatif : éviter les toxiques (alcool, tabac et drogues diverses), les produits chimiques environnementaux (bisphénol A …), faire du sport et prendre des antioxydants. La portée réelle de ces mesures sur le vieillissement général et ovarien en particulier est réelle, mais reste difficile à mesurer. 

C’est la raison pour laquelle plusieurs chercheurs ont imaginé des techniques de « réjuvénation » ovarienne en remplaçant la population mitochondriale de l’ovocyte tout en gardant son noyau avec son capital génétique (MRT, Mitochondrial Replacement Therapy). Elles ont toutes en commun le fait d’entreprendre une FIV/ICSI.

Transfert cytoplasmique : le transfert cytoplasmique peut être hétérologue : un peu de cytoplasme d’ovocyte de donneuse est introduit par ICSI avec le spermatozoïde dans l’ovocyte de la patiente. Cette méthode a l’inconvénient de créer une hétéroplasmie, puisque l’embryon qui en résulte possède deux types de cytoplasme, donc deux populations de mitochondries : celle de sa mère et celle de la donneuse ; c’est pourquoi elle est interdite aux USA depuis 2001, dans la crainte de générer des maladies mitochondriales.

Le transfert mitochondrial peut être au contraire autologue, en obtenant les mitochondries des cellules souche ovariennes de la patiente elle-même ; cette solution a l’avantage de poser moins de problèmes médicaux ou éthiques, mais ne semble pas augmenter significativement les chances de grossesse.

Transfert nucléaire : il s’agit cette fois de transférer le noyau ovocytaire de la patiente dans un ovocyte de donneuse dont le propre noyau a été préalablement retiré, et de bénéficier ainsi d’une machinerie mitochondriale performante.

 Ces techniques de laboratoire en sont encore au stade expérimental, et encore seulement dans certains pays ; relativement peu d’enfants sont encore nés de leur utilisation. Elles restent toutefois susceptibles d’apporter dans un avenir plus ou moins proche une alternative au don d’ovocyte chez les patientes affectées d’un vieillissement ovarien prématuré.

REFERENCES

2-Vo KCT, Kawamura K. Ovarian fragmentation and AKT stimulation for expansion of fertile lifespan.  Front Reprod Health 2021; 3: 636771.

3-Chiang JL, Shukla P, Pagidas K et Coll.  Mitochondria in ovarian aging and reproductive longevity.  Ageing Res Rev 2020 Nov; 63: 101168.