Dr Jean-Claude EMPERAIRE

Les articles du Dr Emperaire

UNE BONNE NOUVELLE POUR LES FEMMES A TAUX D’AMH FAIBLE ?

Dans un précédent article, nous avions expliqué que l’importance du stock d’ovocytes dont chaque femme dispose, et tel qu’il peut être estimé par le taux d’AMH, n’avait d’importance que dans un contexte de fécondation in vitro (FIV) ; par contre, chez toutes celles dont on peut espérer une conception naturelle, la constatation d’un taux faible d’AMH n’a pas de conséquence péjorative particulière. On ne soulignera jamais assez qu’en matière d’ovocytes, c’est leur qualité, et non leur quantité, qui importe : et la qualité ovocytaire est uniquement liée à l’âge. Chez une femme qui souhaite concevoir « naturellement », c’est donc son âge qu’il faut considérer et non son taux d’AMH.

Les femmes « jeunes », jusqu’à 35-38 ans, affectées d’un taux d’AMH bas, sont volontiers qualifiées par les spécialistes de la reproduction d’être en « insuffisance ovarienne précoce ». Ce que beaucoup d’entre elles vivent comme une véritable stigmatisation, et leur fait craindre qu’en plus d’être moins nombreux, leurs ovocytes restants soient de moins bonne qualité : des « fonds de tiroir » en quelque sorte, comme elles le verbalisent elle mêmes.

Ce doute se reflète dans le débat scientifique, les  spécialistes étant partagés entre :

– Ceux qui considèrent que quantité et qualité ovocytaire évoluent parallèlement, et que plus la réserve ovarienne est faible, moins bonne est la qualité ovocytaire, et

– Ceux qui pensent que qualité et quantité sont indépendantes, et que la qualité reste liée à l’âge quel que soit le taux d’AMH.

Ces deux hypothèses s’appuyant sur des articles scientifiques d’aussi bonne qualité, il était certainement difficile de trancher.

Cette question a été récemment éclairée par une importante étude américaine, effectuée en fécondation in vitro (FIV) (1). Elle a permis de comparer les chances de s’implanter d’embryons conçus chez des femmes à réserve ovarienne normale, et celles de femmes de moins de 40 ans à réserve ovarienne diminuée (AMH < 1,1 ng/ml). Elle a utilisé le diagnostic préimplantatoire pour mesurer le taux d’embryons au stade blastocyste chromosomiquement normaux (embryons euploïdes). Rappelons ici que la diminution de la qualité ovocytaire avec l’âge entraîne une plus forte proportion d’embryons chromosomiquement anormaux (aneuploïdes), incapables de s’implanter ou d’évoluer.

Il ressort de cette large étude que les taux d’embryons euploïdes obtenus sont comparables entre les femmes à réserve ovarienne normale, et celles qui ont un faible taux d’AMH, ce qui indique au départ une qualité ovocytaire comparable. Le fait d’avoir une réserve ovarienne diminuée n’impacte donc en rien la qualité embryonnaire.

Le taux de grossesse obtenu est certes plus élevé dans le groupe de femmes à réserve ovarienne normale ; mais ceci s’explique simplement par le fait que ces femmes développent plus d’ovocytes sous stimulation ovarienne, ce qui leur permet d’obtenir plus d’embryons, donc plus d’embryons capables de s’implanter. Ce meilleur pronostic n’est donc pas lié à une meilleure qualité ovocytaire.

Au total, les femmes jeunes qui présentent un faible taux d’AMH ne doivent pas s’alarmer inutilement : elles gardent toutes leurs chances de devenir enceintes naturellement, ou semi-naturellement (stimulation ovarienne avec ou sans insémination) ; par contre, s’il leur faut en arriver à la FIV, leurs chances de concevoir deviennent modérées.

1-A diagnosis of diminished ovarian reserve does not impact embryo aneuploidy or live birth rates compared to patients with normal ovarian reserve. Y Fouks et Coll. Fertility and Sterility 2022, 118; 3: 504-412.

Les derniers articles

AUTOUR DE L'INFERTILITÉ

AUTOUR DE LA MENOPAUSE