Dr Jean-Claude EMPERAIRE

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Infertilité sans cause apparente : quelle stratégie ? (3/3)

Lorsque stimulation ovulatoire simple, puis suivie d’insémination a échoué, il ne reste plus que la fécondation in vitro (FIV) pour espérer rencontrer enfin le succès : comme l’IIU, la FIV n’a pourtant pas été mise au point dans ce but, mais la possibilité de prendre en main l’ensemble du processus de fécondation permettra peut-être de faire la différence.

Dans cette situation, on ne peut plus penser que l’infertilité est liée, ou seulement liée, à de discrètes anomalies ovulatoires, ni même à une insuffisance numérique des spz dans les trompes au moment critique : l’hypothèse prévaut alors qu’il s’agit d’anomalies de la fécondation elle-même, voire de l’implantation embryonnaire. La réalisation du processus de fécondation en laboratoire, « in vitro », devrait alors être capable de résoudre le problème.

LA FECONDATION IN VITRO

La FIV était initialement destinée à venir en aide aux femmes dont les trompes utérines étaient endommagées et ne pouvaient plus assurer la fécondation in vivo. Ses avancées successives expliquent qu’elle a pu être appliquée progressivement à toutes les autres causes d’infertilité, soit d’emblée, soit après l’échec de leurs traitements classiques : les résultats de la FIV sont exclusive- ment fonction de l’âge de la femme, et non pas de la cause de l’infertilité. C’est pourquoi les taux de succès de la FIV en cas d’infertilité sans cause apparente sont les mêmes que dans tous les autres situations de difficulté à concevoir spontanément.

Rappelons brièvement les différentes étapes de la technique :

*Une stimulation ovarienne intense : l’objectif de la FIV étant d’obtenir un nombre raisonnable d’embryons de bonne qualité, il est nécessaire que la stimulation ovarienne fasse se développer le maximum de follicules : en effet, les follicules ovariens visibles à l’échographie ne contienne pas tous d’ovocytes, les ovocytes récupérés par la ponction ovarienne ne sont pas tous matures, les ovocytes matures ne forment pas tous des embryons, et les embryons obtenus ne sont pas tous de bonne qualité. Pour pouvoir transférer un (ou deux) embryon(s) frais, et pouvoir en vitrifier quelques autres, de manière à ne pas avoir à recommencer toute la procédure en cas d’échec, il faut donc débuter avec le maximum de follicules.

C’est pourquoi la stimulation ovarienne est menée avec des doses de gonadotrophines supérieures à celles utilisées en stimulation classique. Elle est également menée avec une autre médication destinée à empêcher toute possibilité de déclenchement ovulatoire spontané, qui perturberait la programmation du cycle, et conduirait à son abandon ; on utilise dans ce but un analogue de la GnRH :

-Soit un agoniste, qui est débuté avant la stimulation proprement dite pour préparer l’ovaire à la stimulation et bloquer l’ovulation pendant tout le traitement par les gonadotrophines : c’est le protocole long ;

-Soit un antagoniste, débuté seulement en cours de stimulation afin d’empêcher toute décharge intempestive de LH : c’est le protocole court ;

Les deux types de protocoles donnent des résultats comparables.

  • Une ponction ovarienne échoguidée sous anesthésie légère ou neuroleptanalgésie afin d’aspirer l’ovocyte contenu dans chacun des follicules visibles. La fécondation est réalisée le même jour, et les embryons mis en culture. Chez les femmes qui ne fournissent que peu d’ovocytes, il est possible d’effectuer un banking : plusieurs stimulations suivies de ponctions sont réalisées, mais les ovocytes matures sont chaque fois vitrifiés ; lorsqu’un nombre adéquat a été récolté, ils sont tous décongelés et fécondés au même moment, ce qui peut concourir à augmenter les chances de succès.
  • Un transfert échoguidé d’un ou des deux embryons, exceptionnellement plus dans certaines situations.

QUELS RESULTATS ?

Les résultats d’une tentative de FIV dépendent de nombreux facteurs, qui seront détaillés dans un autre article. Selon les données de l’Agence Nationale de Santé (ANS), une femme qui s’engage en FIV n’a en moyenne que 42% de chances d’accoucher au terme de son parcours: si ces chances peuvent dépasser 50% chez les femmes jeunes à bonne réserve ovarienne, le taux d’accouchement peut tomber au-dessous de 20% chez les autres (1). Cette situation s’explique entre autres par les très nombreux abandons en cours de procédure.

Il faut également savoir que les chances de succès ne sont pas les mêmes entre les Centres : si les chances d’accoucher après transfert d’un embryon frais sont en moyenne de 20%, elles peuvent varier du simple au double selon les Centres (2).

Une conclusion s’impose : en dehors des situations d’infertilité pour lesquelles elle constitue le seul espoir thérapeutique, la FIV ne doit représenter que le dernier recours dans tous les cas où il existe une ou des alternatives.

C’est particulièrement le cas des infertilités sans cause apparente, situations dans lesquelles un certain nombre de femmes deviendront enceintes par stimulation ovarienne simple, d’autres par insémination, et d’autres encore … spontanément.

 QUELLE MEILLEURE STRATEGIE ?

La stratégie à mettre en place en cas d’infertilité inexpliquée dépend étroitement de l’âge de la femme et de l’état de sa réserve ovarienne.

Chez un couple dont le partenaire féminin n’a pas encore 35 ans et porteuse d’une réserve ovarienne normale, la meilleure manière de profiter de toutes ses chances est d’adopter une stratégie progressive : depuis la stimulation ovarienne simple jusqu’à la FIV si nécessaire, en passant par l’IIU. S’il doit en arriver à la FIV, pour laquelle ses chances de succès restent intactes, ce couple sera au moins assuré qu’il n’y avait pas d’autre issue.

Chez un couple au contraire dont le partenaire a dépassé cet âge pivot, ou / et dont la réserve ovarienne est inférieure à la moyenne, la tentation est grande de « gagner du temps » en « sautant » l’étape de la stimulation simple, voire de l’IIU, pour en arriver plus vite à la FIV. Cette attitude comporte des avantages et des inconvénients :

  1. L’avantage majeur est de ne pas risquer des mois d’échec avec les autres traitements, et d’arriver plus vite à la solution ultime, avec moins de risques de voir le temps passer, et sa réserve ovarienne décliner ;
  2. Les inconvénients, de leur côté, ne sont pas négligeables :
  • Un certain nombre de ces couples aurait pu concevoir plus simplement, sans en arriver à la FIV ;
  • C’est la qualité ovocytaire qui diminue avec l’âge : la FIV n’y change rien, au point qu’elle n’est plus proposée à partir de 43 ans ;
  • Une réserve ovarienne diminuée constitue un handicap en FIV qui, au contraire des autres traitements, nécessite de développer un nombre important d’ovocytes ;

Au total, les raisons qui pousseraient à aller plus vite vers la FIV sont justement celles qui limitent les chances de succès par cette technique.

Il ne faut malheureusement pas compter sur les différentes études publiées sur le sujet pour dégager une orientation générale : à partir du moment où le diagnostic d’infertilité inexpliquée est posé, les chances de grossesse paraissent comparables, entre attendre simplement 6 mois de plus, avoir recours à la stimulation simple, ou d’emblée à la PMA.

On voit ainsi que la meilleure stratégie à adopter face à une infertilité inexpliquée est une affaire de cas particulier, et qu’elle doit prendre en compte de nombreux facteurs spécifiques à chaque couple. Il importe en particulier que l’orientation thérapeutique soit claire dès le départ, et que ses astreintes soient bien comprises et acceptées par les deux membres du couple.

1-Agence de la Biomédecine – « Stratégies en AMP » – Avril 2019.

2-Les résultats nationaux de la FIV sont consultables dans le volet AMP du site de l’Agence de la Biomédecine, ou encore sur le  site « fiv.fr ».

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