Dr Jean-Claude EMPERAIRE

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Le test post-coïtal : le grand absent des bilans d’infertilité

Le test post-coïtal

Le test post-coïtal (TPC, ou test après rapport, test de Sims Hühner) a constitué depuis toujours l’un des examens cruciaux pour déterminer la raison pour laquelle un couple n’arrivait pas à concevoir. Mais, alors que l’analyse des autres paramètres fondamentaux comme la perméabilité des trompes utérines ou la qualité du sperme ont perduré jusqu’à présent, le TPC a été abandonné en route par la quasi-totalité des spécialistes de l’infertilité.

Cet abandon n’est pas étranger au fait que de plus en plus de situations d’infertilité soient actuellement considérées comme « inexpliquées ».

Nous allons voir de quelle manière se déroule ce test, et les mauvaises raisons pour lequel il est tombé en disgrâce.

RAPPEL : COMMENT LES SPERMATOZOIDES  FRANCHISSENT LE COL UTERIN

Rappelons qu’au moment de l’éjaculation au fond du vagin, le sperme forme une petite mare séminale dans laquelle baignent le col utérin et la glaire qu’il sécrète. Le vagin, du fait de son pH acide, représente un milieu hostile pour les spermatozoïdes (spz) ; l’éjaculat, grâce à son pH basique, « tamponne »  cette acidité et protège ainsi les spz le temps qu’ils gagnent la glaire : cette protection est fugace, quelques secondes à quelques minutes à peine selon le volume de l’éjaculat, puis le milieu redevient acide et inactive tous les spz qui n’ont pas eu le temps de gagner la glaire.

Cette glaire elle-même est une sécrétion mucoïde transparente et filante, comparable au mucus nasal qui s’écoule du nez en cas de rhume. Elle se forme au cours des quelques jours qui précèdent l’ovulation sous l’effet de la sécrétion croissante d’estradiol. Sa filance et sa transparence sont maximum au moment de l’ovulation, où son abondance dilate le canal cervical, puis elle disparaît en un à deux jours sous l’effet de la sécrétion débutante post-ovulatoire de progestérone. Le col se referme et redevient imperméable pour protéger la cavité utérine stérile du milieu vaginal microbien, et ce jusqu’à la prochaine ovulation.

Sur le plan ultra-structural, la glaire peut être comparée à un filet comportant des mailles. Seule la glaire optimale comporte des mailles suffisamment larges pour permettre le passage des spz ; lorsqu’elle est suboptimale, c’est-à-dire pauvre, opaque ou épaisse, la glaire représente un obstacle infranchissable pour les spz.

EN QUOI CONSISTE LE TPC ?

Le TPC vise à savoir si les spz éjaculés franchissent le col de l’utérus, point de passage obligé, pour ensuite poursuivre leur chemin vers les trompes utérines, siège de la fécondation.

Pour ce faire, on prélève à l’aide d’une pipette la glaire qui s’écoule du col, huit à 12 heures après le rapport. Le test vise en effet à apprécier non seulement l’existence de spz mobiles dans la glaire, mais aussi leur survie dans ce milieu, raison pour laquelle il ne doit pas avoir lieu trop près du rapport.

Le prélèvement est examiné entre lame et lamelle avec un microscope optique classique, que tout spécialiste de l’infertilité a longtemps possédé dans son cabinet. Les qualités de la glaire sont immédiatement évidentes à un oeil entraîné. Le test est négatif (pas de spz dans le prélèvement) ou considéré comme positif très pauvre, pauvre, correct, bon, très bon ou excellent selon la concentration en spz mobiles.

Les propriétés de la glaire (abondance, filance, clarté, pH et cristallisation) peuvent être plus objectivement appréciées en constituant le score d’Insler ; de même, un TPC est considéré comme normal s’il existe au moins 20 spz mobile par champ microscopique x 400. Mai si ces données objectives sont utiles aux spécialistes qui comparent leurs résultats dans les réunions scientifiques, elles apportent en fait peu de précision supplémentaire  à la pratique quotidienne.

COMMENT INTERPRETER LE TPC ?

L’interprétation d’un TPC n’est possible qu’en présence d’une glaire optimale ET d’in sperme normal. Le test doit donc impérativement être pratiqué en période pré-ovulatoire immédiate. Comme il est nécessaire de prendre RV, le test est fixé au moment théorique de l’ovulation en fonction des cycles habituels. Certaines femmes se rendent compte de la présence de glaire à cette période, d’autres non, raison pour laquelle on ne peut se fier à cette simple observation. Lorsque la glaire est de qualité insuffisante, il existe deux éventualités :

  • Soit le test a été fait au bon moment, mais la glaire est effectivement inadéquate ;
  • Soit le test est tombé trop tôt ou trop tard par rapport à l’ovulation ;

Dans ces conditions, il convient de répéter le test le cycle suivant  sous traitement estrogénique qui assurera une glaire de la meilleure qualité possible le jour du test, même s’il n’est pas effectué le « bon » jour.

Un TPC positif indique qu’il n’y a pas d’obstacle au passage intra-utérin des spz : la conception semble donc possible de manière naturelle.

Un TPC obstinément négatif en présence d’une glaire et d’un sperme normaux doit faire envisager d’autres possibilités, par exemple :

  • Une malposition utérine : le col utérin ne baigne pas dans la mare séminale ; les rapports sexuels dans certaines positions sont alors à privilégier ;
  • Une anomalie d’interaction sperme/glaire : la réalisation d’un test de pénétration in vitro peut permettre de caractériser certaines anomalies, par exemple immunitaires, et de déterminer ce qui revient au sperme ou à la glaire dans cette situation : mise en contact du sperme et de la glaire du couple (test direct), et la glaire avec un sperme témoin, et le sperme avec une glaire témoin (tests croisés).

POURQUOI LE TPC N’EST-IL PRATIQUEMENT PLUS PRATIQUE ?

On ne peut pas faire dire à un test plus qu’il n’est capable dire ; c’est particulièrement vrai pour le TPC : soit il existe des spz mobiles dans la glaire le lendemain d’un rapport, ce qui assure que tout se passe normalement à ce niveau ; soit il n’y en a pas, ce qui constitue une anomalie qui entre sans doute en cause dans les difficultés du couple.

Tout s’est compliqué avec l’irruption des statistiques dans le corps médical : on n’a trouvé aucune corrélation entre le degré de positivité du test et les chances statistiques de grossesse. Tout test statistiquement non significatif devant désormais être considéré selon les nouveaux diktats comme sans valeur, on pourrait penser qu’il s’agit là de la cause principale de la désaffection à son égard. Mais ce n’est pas le cas : personne n’a jamais pu faire de lien statistique non plus entre les différents paramètres d’un spermogramme et les chances statistiques de grossesse : pourtant, le spermogramme reste un examen de base jamais contesté.

La raison est ailleurs, manque de curiosité médicale et toute puissance de la technique : à une époque où l’on peut créer des embryons en laboratoire, pourquoi perdre son temps avec des vieux tests empiriques reposant sur le simple bon sens ?

Le test post-coïtal reste plus que jamais actuel : un TPC correctement effectué et interprété est susceptible d’expliquer un certain nombre d’infertilités « sans cause », et d’éviter à autant de couples un recours inutile aux procédures invasives de l’AMP : la glaire, par exemple, s’améliore facilement par la prise d’estradiol ou la stimulation ovulatoire simple.

 

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