Il faut d’emblée insister sur le fait que la fertilité d’une personne n’existe pas en tant que telle : pour faire la preuve de sa fertilité, c’est-à-dire obtenir un début de grossesse, il existe une nécessité incontournable : passer par la fertilité d’une personne de l’autre sexe. Dans ces conditions, tout au plus peut-on s’assurer que les paramètres de sa propre fertilité sont normaux.
La question se pose différemment suivant que l’on est une femme ou un homme.
SUIS-JE UNE FEMME FERTILE ?
La présence de cycles réguliers de 28 à 32 jours est en soi la probabilité de cycles ovulatoires, alors que des règles très espacées ou absentes peuvent d’emblée constituer un problème.
Pour aller plus loin, il faut évaluer les différents paramètres de la fertilité féminine. Ils sont au nombre de quatre, les deux premiers fondamentaux et les deux autres plus relatifs.
1-La réserve ovarienne :
Toute femme possède un stock d’ovocytes dans ses ovaires, qui diminue avec l’âge. Toutefois, au même âge, la réserve ovarienne est très variable d’une femme à l’autre. Mieux vaut donc la mesurer pour savoir si elle est encore satisfaisante, ou si elle commence à décliner. Non pas qu’il soit possible de la modifier : elle est génétiquement fixée, et il n’est pas possible de l’améliorer ; mais cette donnée est importante sur le plan stratégique : on ne raisonne pas de la même manière en présence d’une bonne ou d’une médiocre réserve ovarienne.
La réserve ovarienne se mesure précisément entre le 3° et le 5° jour du cycle : les paramètres pris en compte varient en effet au cours du cycle, ce qui explique que cette mesure n’est plus valable en dehors de cette fenêtre. Elle s’évalue de manière optimale sur deux paramètres :
- Un paramètre hormonal : le taux plasmatique d’estradiol, de FSH et d’AMH, d’une part ;
- Un paramètre physique : Le compte folliculaire antral, ou décompte du nombre total de follicules visibles à l’échographie sur les deux ovaires, d’autre part ; Ces deux données sont généralement concordantes, mais il peut exister des discordances qu’il faut savoir interpréter (1).
2-L’état de l’appareil utéro-annexiel
L’absence d’anomalie au niveau de l’utérus et des trompes utérines est importante à préciser, surtout en cas d’antécédent infectieux, ou de fausse couche avec ou sans curetage.
Il s’apprécie par l’hystérosalpingographie réalisée entre la fin des règles et la période pré-ovulatoire. Elle consiste à injecter un liquide de contraste par le col utérin, qui remplit la cavité utérine, puis passe par les trompes dans la cavité pelvienne. Il s’agit d’un examen dont la mauvaise presse est imméritée : réalisé par un opérateur entrainé, il dure moins de deux minutes, généralement sans phénomène douloureux significatif.
On peut ainsi mettre en évidence des anomalies intra-utérines comme une malformation, un polype ou un fibrome, et vérifier la perméabilité tubaire. En cas d’obstruction tubaire apparente, il faut avant de conclure avoir recours à une salpingographie sélective (2).
3-La glaire cervicale
Cette sécrétion muqueuse apparait au niveau du col utérin au cours de la période pré-ovulatoire, sous l‘action de taux croissants d’estradiol. Elle est destinée à recueillir les spermatozoïdes (spz) au moment de l’éjaculation, et de faciliter leur transit vers la cavité utérine et les trompes. Une glaire de bonne qualité est transparente, filante, et cristallise massivement quand on la laisse sécher.
Si l’on est en couple, la réceptivité de la glaire aux spz peut être contrôlée par le test post-coïtal (3).
4-La qualité du processus ovulatoire
Elle s’apprécie environ une semaine après l’ovulation, sur deux paramètres :
- Le taux de progestérone plasmatique, qui doit être supérieur à 10 ng/ml, même si le normes des laboratoires sont souvent plus basses ;
- La qualité de la muqueuse utérine obtenue le même jour par biopsie cyto-hormonale : elle doit être en phase avec la date dans le cycle, par rapport au pic ovulatoire de LH.
Un taux de progestérone bas ou un décalage entre date chronologique et date histologique de la muqueuse est en faveur d’une maturation folliculaire inadéquate, facteur possible d’hypofertilité.
La normalité de ces quatre paramètres est rassurante pour sa propre capacité à concevoir … à condition d’être en présence d’un homme fécond.
SUIS-JE UN HOMME FECOND ?
La réponse est à la fois plus simple, car il n’y a qu’un seul examen à effectuer : dans le processus conceptionnel, le rôle de l’homme se borne à déposer sa semence au bon endroit et au bon moment ; il suffit donc d’évaluer la qualité de l’éjaculat ; et aussi plus complexe, du fait du caractère relatif de ses résultats.
Le spermogramme est à effectuer au laboratoire même, par masturbation, après 3 à 5 jours d’abstinence. Quatre paramètres principaux sont pris en compte :
- Le volume de l’éjaculat : il doit être supérieur à 1,5 ml, sinon on parle d’hypospermie ;
- La concentration en spermatozoïdes (spz) : elle doit être supérieure à 15 millions par ml, sinon on parle d’oligospermie ; lorsqu’on ne retrouve aucun spz dans l’éjaculat, il s’agit d’azoospemie .
- La motilité progressive des spz (ne prenant pas en compte la motilité sur place ni les spz immobiles) qui doit atteindre 50 %. Dans le cas contraire, il s’agit d’une asthénospermie.
- La morphologie des spz : la grande majorité des spz comporte des anomalies de conformation. La faible proportion de spz morphologiquement normaux, qui sont les seuls fécondants, doit être supérieure à la norme indiquée, qui varie selon les laboratoires ; dans le cas contraire, on parle de térato (ou terrato)spermie ;
Lorsque le spermogramme est perturbé, les différents paramètres sont généralement tous affectés, et on parle le plus souvent d’oligo-asténo-tératospermie. L’interprétation de cette anomalie est délicate, pour au moins deux raisons :
- Le spermogramme varie d’un jour à l’autre sous l’influence de nombreux facteurs : quel que soit le nombre d’examens qu’un homme soit amené à effectuer, on ne retrouve jamais exactement les mêmes valeurs sur deux examens ; ceci induit deux conséquences :
- Un homme qui a toujours bénéficié de spermogrammes normaux peut accidentellement montrer un examen anormal ;
- On ne doit jamais conclure sur un seul examen anormal : il est toujours nécessaire d’effectuer un contrôle à au moins 3 mois d’intervalle, compte tenu de la durée de la spermatogénèse ;
- En cas de spermogramme anormal, la relation entre le niveau des différentes anomalies et le pouvoir fécondant réel du sperme reste aléatoire à établir, d’autant qu’il dépend aussi de la fertilité du partenaire féminin : des chances de grossesse existent théoriquement dès lors que l’on retrouve ne serait-ce que quelques spz dans l’éjaculat.
AU TOTAL, et malgré la précision de ces différentes explorations, il faut en retenir le caractère difficile sinon aléatoire de leur interprétation :
On peut affirmer qu’une personne est stérile : azoospermie chez l’homme, trompes utérines obstruées ou absence d’ovocytes chez une femme, encore que même dans ces situations des « grossesses miracle » aient pu être observées ; Par contre, on ne peut jamais affirmer qu’une personne est fertile : la normalité de tous ces examens chez les deux partenaires d’un couple ne le met jamais à l’abri d’une difficulté à concevoir : il s’agit alors d’une infertilité apparemment inexpliquée (inexplicable, idiopathique) qui nécessite alors d’autres investigations (4).
1-Voir l’article : « L’AMH, une jauge pour le réservoir d’ovocytes ».
2-Voir l’article : « Trompes bouchées : penser à la salpingographie sélective ».
3-Voir l’article : « Les test post-coïtal : le grand absent des bilans d’infertilité ».
4-Voir l’article : « L’infertilité inexpliquée n’existe pas ! ».